LA PLAYLIST :
Styles P fait partie de ces rappeurs talentueux qui n'ont pas eu d'album majeur, ou du moins pas à la hauteur de leurs talents. Comme Jadakiss et Sheek Louch, ses camarades du LOX d'ailleurs. Il y'a bien eu ce premier album solo en 2002 "A Gangster and a Gentleman" qui est surement son projet le plus abouti, mais les skills et la technique de David Styles, à l'époque et encore aujourd'hui, peuvent prétendre à beaucoup mieux. Disséminant de petites pépites à chacun de ses projets solos, entre 2002 et 2020, entre albums sans réelle promotion et mixtapes sous l'alias de Ghost, la discographie du MC de Yonkers souffre seulement de l’absence d'un projet majeur et peut-être d'une direction artistique plus consistante. Lui qui pourtant jetait une chaise à Puff Daddy dans les années où le LOX était encore chez Bad Boy, mécontent du management du mogul de Harlem. L'incident qui interviendra lors d'une réunion entre le groupe et leur patron provoquera leur sortie du label et les poussera quelques semaines plus tard chez Ruff Ryders pour enfin finir chez Interscope. Il y a une nervosité latente dans les raps de Styles P. Voix et élocution claire, entre le style de son compère Jadakiss et celui d'un Prodigy plus nerveux, Styles est un roi sans couronne dans les quartiers de la Grosse Pomme. Vegan, patron de quatre "Juice Bars" dans New York, enfant de parents divorcés, né d'une mère sud-africaine et d'un père jamaïcain, un goût prononcé pour les opiacées (« I get high cause I'm in the hood, the guns is around. It takes a blunt, just to ease the pain that humbled me now[…]I smoke like Bob Marley did; add to that that I smoke like the hippies did, back in the 70's » sur “Good Times” en 2002). Styles P perd son frère cadet en 2001dans un accident de voiture et sa fille (en fait la fille de sa compagne) en 2015 d'un suicide. Des cicatrices et un caractère fort (en 2002, il se rendra aux autorités après avoir poignardé une personne lors d'une altercation dans un club de New-York et purgera sa peine de huit mois), Ghost, son principal alias, fait ressortir dans ses morceaux une droiture et un code de conduite sans failles. Une sorte de code de l'honneur doublé d'un street-knowledge et aussi une certaine méfiance au fait d'être mis dans la lumière. Une attitude street-smart, une sorte de Carlito Brigante revenu de prison mais sans la rencontre avec Benny Blanco. Le style de David épouse avec grâce les productions léchées de Alchemist (deux sur « AG&AG » : le morceau titre et « Black Magic » en 2002) ou celle de Havoc sur le spirituel "How we live" en 2006 sur « Time is Money » (et cette ligne mystique : Die once you live twice, die twice you live once. Get the shit confused so I'm puffin on the big blunts). L'alchimie fonctionne aussi sur les beats plus agressifs de Aarab Muzik ("Aarab Styles" en 2012) ou de Rondon (cet addictif et flamboyant "Stay Away" en 2018 : “Ever since Chi Chi got the yayo, swear to God that I knew I be a dope boy”). Mais ce sont les productions de Vinny Idol, producteur peu connu avec un style « new wave » assez prononcé qui se marie sûrement le mieux au flow de Ghost. "The Key" par exemple en 2006, "Fire & Pain" en featuring avec Sizzla toujours la même année ou plus récemment sur "Time" et cette partition qui s'envole vers les cieux. Ses dernières sorties, « Dime Bag » et « G-Host » en 2018 ou « Ghost your enthusiasm» en 2020 ne déçoivent pas, Styles y assène encore quelques coups musclés comme sur "Never fight an African" : «We all of the elements with all of the resonance. I like 'em dead if we speakin' on presidents». Il montre encore toute la détermination d'un MC aimant rester dans l'ombre mais qui attire par sa technique, et ce depuis les mid-nineties, la lumière sur lui à chacun de ses couplets. Le dernier des grands P encore en vie après les départs précipités de Sean Price et Prodigy.
« Still movin' like the coolest OG around. Lion in the jungle but my soul deep. Salute me when you see me like the OG in town.”
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