LA PLAYLIST :
La première fois que la musique de Rick Ross a effleuré mes tympans, ma réaction fût épidermique.
Habitué aux sons new-yorkais et à la g-funk californienne, du moins ce qu’il en restait dans la deuxième moitié des années 2000s, les élucubrations du floridien sur des productions nouvelles type « Hustlin’ », ou même pire « BMF » par la suite, venaient sonner comme une hérésie dans mon crane obtus de puriste réclamant alors un retour au « vrai » rap, celui des samples, des scratchs, des « anciens » finalement, et bêtement...
Dix à quinze ans plus tard, l’hérésie aurait été finalement de rester figé sur ce même jugement. La musique de William Leonard Roberts II, un nom qui sonne comme celui d’un roi, avait définitivement du charme, encore plus quand elle était enrobée de nappes soulful dans un écrin cinq étoiles. Si les productions énergiques sonnant Trap avaient moins d’emprise sur mes oreilles, la « Maybach Music » proposée par l’ancien maton au quintal bien pesé se révélait comme une des plus belles propositions offertes par le rap US au tournant des années 2010s. En fait, elle offrait également une transition tout en douceur entre cette trap froide, répétitive et martelée, venue d’Atlanta mise en orbite par Lex Luger sur "Teflon Don" et les productions luxueuses et majestueuses revenant vers une musique chaude gorgée de Soul comme l’on pouvait parfois trouver à Houston chez la « nouvelle » garde : celle de Z-Ro, Slim Thug, Trae et autres. Sauf que chez Ross, ce rap chaud allait s'éloigner de la rue et prendre son envol dans un manoir au sol de marbre où la hauteur sous plafond allait faire résonner la grandiloquence de ses couplets. Rozay allait être le catalyseur d’une ancienne et d’une nouvelle école, un de ces artistes faisant évoluer le son du rap vers d’autres sphères. Parfois moqué au début pour être enfin reconnu comme un rappeur majeur et essentiel de la sphère, devenue complétement hétéroclite, du rap. Adoubé par les pontes de New-York (Jay-Z avec lequel il collabore sur le remix de « Hustlin » en 2006 déjà, puis sur « Maybach Music » en 2008, sur « Free Mason » en 2010, et sur « The Devil is a Lie » en 2014), du Sud (Lil Wayne, Scarface, Andre 300, Jeezy, Z-Ro, Trick Daddy) et de l’Ouest (Dr Dre sur « 3 Kings » dont le troisième king n’est autre que… Jay Z ! Encore lui !), Rozay traverse ainsi plusieurs époques avec un style bien à lui, celui d’un rappeur à l’attitude régalienne et au coffre surpuissant, contant ses histoires, vraies ou fausses, de baron de la drogue, cigare dans la main gauche, coupe de Belaire Rosé dans l’autre, sur le pont d’un yacht à l’arrêt dans le port de Miami. De Port of Miami, justement, en 2006 à Port of Miami 2 en 2019, le floridien a une discographie forte de dix albums alternant des sommets et des moments plus creux. Mais à chaque fois, Ricky sortira quelques ogives de sa manche comme cette série des « Maybach Music ». Il éclipsera même Kanye West de sa Dark Beautiful Twisted Fantasy sur un grandiloquent « Devil In a New Dress » produit par Bink ! Il appuira Stalley et Nipsey sur un « Fountain of Youth » issu de la compilation maison « Self Made Vol.2 » alors qu’il est peut être au sommet de sa carrière après un « Teflon Don » clé et juste avant un « God Forgives, I Don’t » luxueux. Flamboyant sur des productions sur mesure de The Runnerz, J.U.ST.I.C.E. League, DJ Toomp, Jake One (le magnifique « Money Dance »), Cool & Dre, Cardiak, la voix caverneuse et étouffée du patron de MMG (Maybach Music Group) reviendra de plus belle sur « Rather You Than Me » notamment sur une découpe étincelante de Bink! (encore !) sur un « Santorini Greece » aussi clair et aussi brillant que du cristal. La carte de visite parfaite du son « Cigar Music » proposé par Rick. Un neuvième album qui lui permettra de remettre également les points sur les i en s’en prenant à la gestion « hasardeuse » de Birdman (Cash Money Records) envers ses artistes (principalement Lil Wayne) sur « Idols become rivals ».Le choix du sample utilisé ramenant habilement vers le « Where have you been » de Jay-Z et Beanie Sigel (The Dynasty Roc-La-Familia, 2000) est cinglant : la force du morceau en est redoubléee. En gros, « Je t’ai idéalisé pendant toutes ces années, où est ce que t’es passé, qu’est-ce que t’as fait ?». Une estocade amère parfaitement menée aux allures de coup final princier.
Parsemant de « hun » solennel, son gimmick vocal signature, ses morceaux, Rick Ross est une figure emblématique du rap ayant en plus avancé Stalley, Meek Mill ou Wale (et Nipsey Hussle dans une moindre mesure) sur le devant de la scène.
Cette playlist longue de 25 titres retrace les ogives de soie présentes tout au long de sa carrière. Une sélection des meilleurs cuts du bonhomme à la voix épaisse et qui ferait presque oublier la seule chose manquante encore au palmarès de Ross : un album classic définitif.
Comments