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Jul2laVirgule

Re-exploring 1995.

Dernière mise à jour : 28 déc. 2020



Three Six Mafia - Mystic Stylez

Memphis, Tennessee. Home of Elvis, Isaac Hayes, BB King. Et de Juicy J, DJ Paul, de son frère disparu Lord Infamous, de Koopsta Knicca également décédé, Gangsta Boo et de Crunchy Black, qui lui s’est juste fait tirer dessus au niveau de la jambe et du visage, mais qui est toujours de ce monde. Les six membres formaient en 1995 le groupe Three Six Mafia et livraient un disque noir un peu malsain mais devenu culte « Mystic Stylez ». Martèlement des refrains, productions sombres aux bpm lents, ambiances et lyrics dignes de figurer dans des films d’horreur de Carpenter, Romero, Craven ou Hooper. Les couleurs ont deux nuances sur ce disque, le noir de la nuit la plus obscure et le rouge d’un sang improprement versé. Les seuls répits accordées et qui ponctuent ce tableau suffocant sont « Da Summer », « All or nothin’ » et « Porno Movie ». Ils permettent à l’auditeur de sortir la tête de cette marée noire comme un puit de pétrole. Les flows accélérés de Lord Infamous, Juicy J et compagnie seront l’objet d’un beef, qui sera enterré plus tard, avec Bone Thugs N Harmony qui sortiront la même année « E. 1999 Eternal » sur Ruthless Records.

La musique de « Mystic Stylez » et de Three Six Mafia » préfigurera déjà la crunk et la trap qui arrivera des années plus tard. Toujours dans ce Sud Sale qui définitivement fera preuve d’un perpétuel renouvellement.


E-40 - In a Major Way Faisons un tour des USA en explorant le rap. L’an 95 nous facilite la tâche car ça vient vraiment de partout. On passe du sud poisseux de Memphis à la baie fraîche de Oakland. La Bay Area, les collines de Vallejo. Point de chute pour E-40 et ses proches. Sur son premier album en major (chez Jive Records mais aussi sur son propre label Slick Wid’ It Records), E-40 (E pour son prénom Earl et 40 pour une marque de bière qu’il affecte) fait les choses en famille. Accompagné de son cousin B-Legit, sa sœur Suga-T et D-Shot son frère, ils forment The Click qui sortira la même année un très bon « Game Related ». Leur oncle « St Charles » était leur manager et les a aidés à sortir les disques. Une affaire de famille donc, puisque même le fils de E-40 apparaît sur « It’s all bad », dernière piste avant l’outro. Âgé de sept ans sur ce disque, il deviendra Droop-E en grandissant et placera des raps et beaucoup de productions pour les artistes de la Bay. E-40 est un entrepreneur plaçant ses billes un peu partout dont la vigne ou les agaves pour en faire des boissons alcoolisés comme la tequila « E-Cuarenta ». Le sens des affaires mais aussi le sens du son et du rythme. Ses raps sont immédiatement reconnaissable par son phrasé « pâte à modeler ». Une élocution rapide, changeante, imprévisible qui à l’écoute donne l’impression d’un bouillon à feu plein. Un slang parfois incompréhensible comme cet argot finissant les mots en –izzle ou autre bizarreries pour garder le rythme. Les productions sont souvent bardées de basses rondes et de funkeries hallucinées, très peu de samples et beaucoup de compositions. Sur « In a major way », elles sont signées Mike Mosley, Sam Bostic, Funk Daddy et Studio Ton. Ce « Da Bumble » est un parfait condensé de Earl Stevens et ce premier disque en major est une de ses plus belles pièces, sûrement la plus consistante. E-40 continue encore sa longue carrière (25 albums studios) en étant très prolifique dans la décennie 2010. Il est aujourd’hui un modèle d’entrepreneur et une légende vivante d’Oakland.

The Nonce - World Ultimate Il n’y avait pas que le G-Funk et le gangsta rap à Los Angeles. Des groupes comme Pharcyde par exemple, avaient déjà proposé une alternative intéressante tout comme Freestyle Fellowship et ses membres Aceyalone, Myka 9, Self Jupiter et P.E.A.C.E. Toute une scène gravitant autour du Good Life Café (lieu qui proposait des open-mic au croisement de Crenshaw et Exposition Boulevards) allait évoluer en parallèle du modèle dominant à LA. Ce rap alternatif appelé justement la Left Coast pour avoir été un peu délaissé par rapport au clinquant, et commercialement plus rentable, « rap de gangsters » plus en vue médiatiquement.

Le duo The Nonce, composé de Yusef Afloat et de Nouka Basetype, rentrait parfaitement dans cette mouvance- là. Leur album « World Ultimate » est un nuage de douceur atypique dans le paysage de LA. Sonnant comme un ATCQ encore plus smooth, Yusef et Nouka, proposaient un disque moelleux comme du coton. Du lait de coco en décibels faisant l’effet d’une dope relaxante le long des treize titres qui coulent comme une rivière au milieu d’une plaine de tranquillité. The Nonce produit son album avec des similarités au style de Jay-Dee qui émergeait alors sur le « LabcabInCalifornia » voisin de The Pharcyde. Swing indéniable, drums millimétrés, compositions espacées, la musique est calibrée pour faire passer une sieste crème allongé dans le hamac calé entre deux palmiers. La carrière de The Nonce est cependant cahoteuse et cet album est un îlot perdu au milieu de la scène californienne. Yusef Afloat disparaîtra dans des circonstances mystérieuses une nuit de l’an 2000 retrouvé seul sur l’autoroute sans aucune trace de violence (disparition rapidement documentée dans "This Is The Life" de Ava DuVernay, film autour du Good Life Café et de ses sessions). Nouka continuera seul sa carrière sous le nom de Sach.

Ce « World ultimate » est un témoin précieux de ce groupe et du contre-pied exquis qu’il proposait alors.

Goodie Mob - Soul Food La « Soul Food » est un style de cuisine courante dans les foyers afro-américains des USA. Souvent composés de morceaux de seconds choix de viande ou poisson et de féculents bon marchés. Une cuisine souvent composée avec un porte-feuille léger et donc concoctée dans des familles aux revenus faibles ou moyens. Le gumbo par exemple, le cornbread, les grits. Fatbacks, fried chicken, fried fish, ou encore les ribs. Ils sont devenus aujourd’hui des plats prisés alors qu’ils s’apparentaient il y a quelques décennies en arrières comme des plats du pauvre. Souvent mijotés pendant des heures, ils sont un peu l’équivalent français de vieux plats populaires comme la bouillabaisse, le pot-au-feu ou la bombine. Des plats riches aux odeurs alléchantes (pas tout le temps il est vrai) et pour plusieurs convives faits avec les moyens du bord qui réchauffent l’âme. Cette comparaison culinaire nous amène au vrai sujet, le premier album de Goodie Mob au titre évocateur. « Soul Food » est le meilleur titre possible pour ce disque qui transpire la moiteur du sud des Etats-Unis. Le son concocté par Organized Noise a l’ADN local dans ses veines. Des grillons en fond sur « Fightin’ » ou « The Coming », aux bruits très organiques de pédales wha-wha sur « The Day After » (et un partout), aux chants gospels de l’intro ou au slang local des intervenants qui parsèment l’album, tout vous envoie directement au-milieu du paysage chaud et humide de la Géorgie. Même le tube « Cell Therapy » avec ce bruit distordu singeant un vieil arbre qui cranque autour d’un piano entêtant réunit cet héritage local. Les quatres MC (Cee-Lo, Khujo, Big Gipp et T-Mo) mélangent parfaitement leur voix pour donner une dimension chorale à ce deuxième album réussi de la Dungeon Family. Superbement calé entre « Southerplayalisticadillacmuzik » et « Atliens » d’OutKast, il fait la liaison ultime entre le son funky du premier et celui-plus cosmique et aquatique du second, toujours avec ces instrumentations live qui couronnent le tout. Mais ne vous y trompez pas, « Soul Food » n’est pas un faire-valoir des deux premiers OutKast, il est une œuvre resplendissante et essentielle du Dirty South.

Mobb Deep - The Infamous

Le son de QueensBridge prend son envol avec Illmatic en 1994. New-York également reprend ses droits. « Illmatic » mais aussi « Ready to die » et « The Sun Rises in the East » en 94, et un an plus tôt « Enta da stage » et « Enter the Wu ». L’année 95 va encore enfoncer le clou : « Dah Shinin’ » de Smiff N Wessun, « Lifestylez ov da poor and dangerous » de Big L, « Livin’ Proof » de Group Home, un retour solide du déjà vétéran « KRS One », sans oublier l’offensive Wu-Tang avec trois solos impeccables. Le QB enfoncera la porte avec un disque sombre aux productions lourdes et poussiéreuses, « The Infamous » de Mobb Deep.

Havoc et Prodigy ont seulement 19 ans mais leur esprit est déjà vieux. QB State of Mind. Loud Records, qui signait le Wu-Tang en 93, allait étoffer son roster avec ce duo à la hauteur du collectif de Staten Island. Le label de Steve Rifkind, moins tapageur que Death Row à l’ouest ou Bad Boy sur ses terres, commençait alors un catalogue tout aussi incroyable que ces deux derniers, basé sur NYC mais ouvert à tout le territoire : Big Pun, MOP, Pete Rock, The Beatnuts, Xzibit, Tha Alkoholiks, Dead Prez, Three Six Mafia, Twista…

« The Infamous » est un classic instantané du rap américain boosté par les deux « singles » défaits d’espoir rasant le bitume et les tours grises de QB. « Survival of the fittest » et « Shook Ones pt 2 » font partie du répertoire universel de tout bon passionné de cette musique. Les productions de Havoc sombres, « gritty » avec ce grain granuleux et des basses lourdes, des caisses claires claquantes, des hi-hats ultra-présents et des samples aux nuances obscures marquera l’époque tout autant que ses lyrics et ses flows, et évidemment ceux de Prodigy.

Si le son a été souvent considéré comme sombre et noir, il laisse encore sur cet opus (leur second disque après « Juvenile Hell ») place à quelques rayons de soleil qui seront définitivement rayés sur le disque suivant « Hell on Earth ». Strictement au niveau des productions car les paroles crues et brutes des deux rappeurs sont couleur encre sur tout l’album. Mais il y a sur des morceaux comme « Give Up the goods », « Temperature’s rising », « Up North Trip” ou “Drink Away the pain” un soupçon de lumière qui entre par le biais de cuivres, de flûtes ou de samples plus éclairés. Q-Tip signe la production sous le nom de The Abstract sur trois de ces morceaux (co-produits avec Mobb Deep). Le leader de ATCQ a soufflé quelques précieux conseils à Havoc tout en lui laissant la liberté de garder sa patte et cette touche sombre complètement différente à celle du groupe Native Tongue. « The Infamous » balance ainsi un peu de lumière dans un puits ténébreux que le duo recouvrira définitivement d’une plaque mate sur « Hell on Earth ». Un morceau comme « Right back at you », en présence de Ghostface , Raekwon et Big Noyd (troisième membre officieux de Mobb Deep), illustre cette noirceur avec un sample archi-tranchant de Les Mc Cann. Un affûtage d’experts dans une impasse coupe gorge des ruelles délaissées de la Grosse Pomme.


DJ Quik - Safe + Sound

Mettons les choses clairement sur la table : DJ Quik est un des meilleurs producteurs de cette musique.

C’est aussi une carrière qui n’a pas eu la reconnaissance qu’elle mérite.

Avec « Quik is the name » en 91 (son plus gros succès), la hype tournait pourtant autour de lui. Ancien membre des West Side Tree Top Piru (gang de Compton), son nom de scène prend le soin de retirer le C de Crips et illustre sa capacité à produire rapidement. En 97, il enregistrera et produira l’intégralité de « Street Gospel » de Suga Free en 28 jours. Et c’est peut-être sa pièce maitresse niveau prods.

Son troisième album « Safe + Sound » est sûrement, lui, son meilleur album. Toujours signé sur Profile Records, choix qu’il regrettera amèrement suite à des impayés pendant une période de dix ans, le disque est « executivement produit » par Suge Knight avec lequel il avait déjà collaboré en 88 sur son label Funky Enough Records. Pour Death Row Records, il produira sur plusieurs projets tels que « Above The Rim », « Murder was the case », « All eyez on me » dont il mixera une belle moitié de l’album en deux jours, et également sur « Dogg Food » du Dogg Pound et « The Doggfather » de Snoop pour lesquels il ne sera pas crédité. Toujours sur Death Row, pour une courte période, il enregistrera également un album de 2nd II None qui ne sortira pas. Beaucoup de désagréments sont dus à son contrat d’alors avec Profile.

Après avoir jeté un album à la poubelle de son propre aveu, DJ Quik revient donc avec cette bombe sonore qu’est « Safe+Sound ». Un album taillé pour les journées ensoleillées californiennes paré d’un groove imparable. Pour faire une blague cheap et résumer le son de David Blake, Quik c’est le groove.

Son secret : « faire de la musique que personne n’a jamais fait en donnant en sorte l’impression qu’elle a toujours été là ».

Des touches RnB-isantes, des instruments live, des influences chez Curtis Mayfield, Prince, Luther Vandross, El DeBarge et cette musique de la fin des années 70/début 80 entre la soul et la funk. Une connaissance experte des machines, autant en tant que producteur qu’en ingénieur son, et une musicalité indéniable font de ce disque, et de toute sa discographie, une œuvre délicieuse. Impossible de ne pas tomber sous le charme du groove de « Somethin for the mood » (Charles Greene à la flûte ensorcelante et Warryn Campbell au piano champêtre), du swing dingue du diss-track adressé à MC Eiht « Dollaz and sense » (beef qui sera enterré en 2002 grâce aux interventions de Snoop et Daz entre autres), et même du live organique de « Tha Ho In You ». Même un allergique au rap pourrait tomber sous le charme. Mixé à la perfection, produit à la perfection, « Safe+Sound » ne souffre d’aucun défaut. C’est à se demander pourquoi ce missile de DJ Quik reste autant sous les radars des listes des albums les plus dingues de ce foutu rap jeu.

Irré-fu**in-sistible.


Raekwon The Chief - Only Built 4 Cuban Linx Le Wu avait lâché Method Man en solo avec « Tical » en 94 qui était déjà un gros morceau avec des anthems comme “Bring the pain » ou « Release yo delf ». En 95, RZA allait souffler tout le monde avec un alignement stellaire incroyable. Premier satellite: « Return to the 36 chambers The Dirty Version ». Le flow imprévisible de Ason Unique devenu Ol’ Dirty Bastard. “Shimmy Shimmy Ya”. “Brooklyn Zoo”. RZA installait encore un peu plus son empire. Aux prémices de l’hiver, « Liquid Swords » allait asseoir la suprématie avec un bijou mystique de GZA. « Cold World ». « Investigative Reports ». « B.I.B.L.E. ».

Entre ces deux sommets lunaires, allait culminer un troisième pic, sûrement la plus haute montagne du WU. « Only Built 4 Cuban Linx… », la Purple Tape. Marketé comme les doses de dope circulant de corners en corners, mettant une couleur spécifique pour reconnaître le produit, RZA, Rae et Ghostface mettaient sur le marché la drogue que tous les accros allaient se disputer. L’album de Raekwon the Chief, accompagné de Ghostface Killah, a encore aujourd’hui une saveur toute particulière. Glissant sur les flûtes spirituelles et des dialogues de « The Killer » (polar de John Woo), OB4CL allait se démarquer des samples de kung-fu et allait se rattacher au genre mafioso samplant également des passages de « Scarface » et de « Carlito’s Way ». Seul l’affuté killer-track « Guillotinz » se rattachera à l’imagerie shaolin présente depuis « Enter The Wu-Tang ». Le duo Rae & Ghost, souvent référencé comme le EPMD du clan par RZA lui-même, livraient des raps ultra-techniques, acérés comme des couteaux d’office, avec un débit furieux. Une sauce liée avec les samples chauds et tranchants de RZA qui était alors à son apogée. « Ice-Cream » et cette découpe extraordinaire d’un morceau de Earl Klugh est un anthem aux métaphores de parfums de glaces subtiles, « Heaven & Hell » et son sample délicieux de Syl Johnson, les compositions « sharp » de « Knowledge God », « Criminology », « Uncarceretad Scarfaces », « Glaciers of Ice », le premier featuring hors Wu-Tang de Nas sur « Verbal Intercourse », l’ambiance orageuse de « Rainy Dayz », les highlights s’enchaînent sans temps mort dans un univers accrocheur et terriblement addictif. Du bouillon concocté par les trois MCs émane des vapeurs virtuoses et un fumet fameux. Les alias mafieux des membres du Wu et la direction artistique prise dans ce classic influenceront de nombreux artistes à commencer par Jay-Z pour son « Reasonable Doubt » à venir (et des samples répétés de « Carlito’s Way ») ou B.I.G pour son « Life After Death » et ses allusions à Frank White. Nas utilisera le nom d’Escobar pour son album collectif « The Firm » et son second album. Un classic jamais égalé dans son style si ce n’est par le premier solo de Ghostface de 96 « Ironman », où cette fois le lead est inversé avec Raekwon. Un duo au plus près de la rue, « spitters » de rimes intouchables. Un classic de plus inimitable du Wu-Tang qui aura en l’espace de quatre années (93, 94, 95, 96) et six albums sur cinq labels différents (Loud, Def Jam, Elektra, Geffen et Epic) marché sur toutes les têtes du rap US.



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