Re-exploring 1993.
- Jul2laVirgule
- 28 mai 2020
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 déc. 2020
Snoop Doggy Dogg - Doggy Style Battons le fer tant qu'il est chaud, après la déferlante "The Chronic", Death Row Records sortira ce qui pourrait être considéré comme son"Volume 2", le premier album de Snoop Doggy Dogg.
"Doggystyle" pique dans la même veine avec la même équipe derrière, Dre à la prod, Daz, Kurupt, Warren G, Nate Dogg, RBX, Lady Of Rage dans les parages. Le son y est plus "sweet" et acidulé, laidback comme le flow et le ton de Calvin Broadus.
Une voix charmeuse qui glisse et tirerait en exagérant un peu vers les crooners, Snoop fait sur tout un album ce qu'il avait déjà entamé avec une élégance certaine sur "Nuthin but a g thang", "Let Me Ride" ou "Lil Ghetto Boy" un an auparavant. Les hits se succèdent sans temps mort usant de samples succulents de George Clinton, Isaac Hayes, Kool and The Gang, George McCrae sans oublier le fil rouge Curtis Mayfield et sa bande originale"Superfly" présente sur trois morceaux (dont deux interludes).
Là aussi comme sur "The Chronic", la confusion autour des crédits de production sont un peu flous. Suge Knight clamera que Daz et Warren G ont conçu les beats de tout l'album, Snoop lui même nuancera ces propos et dira qu'ils faisaient des beats mais que Dre produisait le tout en y ajoutant sa touche extra pour que tout sonne parfaitement.
Selon Bruce Williams, un associé de Dre, l'enregistrement de l'album ne se terminant jamais, les distributeurs ont mis un coup de pression pour le boucler et Dre finira le mix en 48 heures en y ajoutant les skits pour permettre à ce classic de voir le jour.
Il restera 27 ans après et 17 albums de Snoop, son meilleur disque. Il est aujourd'hui une figure reconnue internationalement et un entertainer dont le charisme n'est plus à prouver.
Cypress Hill - Black Sunday
Los Angeles toujours mais sans g-funk. Les collines de Cypress enfumées dans un brouillard épais de vapeurs cannabiques, des basses lourdes, la voix aigue de B-Real, les productions fumantes de DJ Muggs sur samples rock, blues, soul ( Black Sabbath, Dusty Springfield, The Outlaw Blues Band, Syl Johnson... ) font de ce "Black Sunday" un disque brut réussi. Les sirènes progressives de "I wanna Get High" font penser à du Led Zeppelin, le patchwork de samples de "Insane in the brain" est remarquable, les intonations de B-Real et Sen Dog sont enjouées et bondissantes. Cypress Hill met le rap chicano sur la carte avec d'autres artistes moins connus mais tout aussi bons comme Delinquent Habits, Kid Frost, Tha Mexakins.
Une réussite sur la longueur avec une discographie fournie et de qualité.
EightBall & MJG - Comin' Out Hard
Memphis sur la carte. Le son du sud, crasseux et chaud arrive doucement avec une alternative intéressante aux sons de la East et de la West Coast. 8Ball, avec sa voix similaire à Biggie, et MJG tirant plus vers un Andre 3000 (qui est encore inconnu) font avec cet album de neuf titres un premier jet qui a déjà tout les symptômes du son du sud en lui. La cover est une des premières (la première ?) faite par Pen & Pixels qui illustreront ensuite avec du bling bling et des polices grossières les pochettes de nombreux disques sudistes chez Suave House Records (label où est publié ce "Comin' Out Hard", Cash Money et No Limit Records. Un court disque aux longs morceaux qui n'est pas parfait mais contient de sacrés perles comme "The First Episode" et cette production syncopée, le menaçant "Ni**as like us" ou ce "Pimps" tout frais tout clean.
Too Short - Get In where you fit in
Sept minutes de pur groove sur ce "Just Another Day" aux basses bien juteuses qui dégoulinent sur un beat westeux de QDIII (fils de Quincy Jones) qui a une sacrée liste de productions elles aussi extra juteuses placées chez 2Pac et Cube principalement. Il donne à Too Short le meilleur morceau de "Get in where you fit in" qui est déjà en 1993 son huitième album. Le son de ce morceau ressemble à ce que deviendra le son de la West Coast, autant chez DJ Quik dans ses albums à venir que chez Dr Dre pour "2001" et même bien plus tard chez les équipes de 1500 Or Nothin, Mike N Keys, Mustard ou Cardo.
Si l'album est en cran en-dessous de ce morceau, quatre couplets tout de même, ça devient inexistant aujourd'hui, il n'en reste pas moins un de ses meilleurs projets et peut-être un de ses plus "accessibles".
A Tribe Called Quest - Midnight Marauders
Ils avaient déjà pété le score en 1991, ils reviennent sans complexe deux ans plus tard avec ce "Midnight Maraudeurs". L'album après le classic est toujours délicat, Tribe semble pourtant n'avoir subi aucun stress sur ce troisième album à la hauteur et parfaitement complémentaire à "The Low End Theory". Toujours jazz, légèrement plus funky, et même plus relax, Tribe reste sur la même longueur d'ondes avec une imagerie toujours aussi cool et classieuse, entre le noir et blanc de leurs clips et les couleurs flashys de leur pochette. Un album, et un doublé donc, remarquable.
Black Moon - Enta Da Stage
Des samples diggés avec soin par Da Beatminerz (Mr Walt et DJ Evil Dee) et retravaillés dans la poussière des machines de l'époque. Un Buckshot au mieux de sa forme, accompagné par 5Ft, qui dézingue des rimes bondissantes. L'alchimie de cet "Enta Da Stage" tient là-dedans et ce premier album de Black Moon est un des plus charmeurs de ce golden age new-yorkais. Le travail de production est remarquable, Evil Dee et Walt sont allés piocher et défricher dans un fin répertoire de Soul, de Jazz. Les cuivres, les drums, les petites ambiances sonores de fond comme sur ce "Shit Iz Real" ou sur "Who got da props", sont un régal pour les oreilles et donnent à l'album ce grain original, et séduisant comme une belle pièce de brocante. Ajoutez des refrains hurlés en choeur par la meute comme signature et vous avez une pièce musicale sauvage et authentique.
Le disque sera aussi le début de l'aventure Boot Camp Click qui réunira aussi Smiff N Wessun, OGC et Heltah Skeltah. Que des tueurs qui influenceront et participeront à l'émulation incroyable du renouveau de New-York entre 93 et 95 avec d'autres artistes (Mobb Deep et le QueensBridge, Wu Tang, DITC, Nas, BIG...).
Wu-Tang Clan - Enter The Wu-Tang 36 Chambers
La révolution venue de Staten Island.
De l'ilôt new-yorkais vont jaillir neuf individus aux flows tranchants comme des sabres de samouraïs. Avec une imagerie complètement inattendu et inédite de chambres Shaolin surgi de la Shaw Brother Company, de jeu d'échecs, de samples souls et des rues poisseuses des ghettos afro-américains, le Wu va complètement péter le score et repousser les barrières d'un rap new-yorkais à l'international.
Les samples de soul passés dans les filtres crasseux de RZA, le Wu libère un son sauvage, dans un héritage de la great black music, rugueux, fait avec les moyens du bord. Collage brut de courts extraits de films de sabres asiatiques et de boucles souls triées sur le volet ( The Charmels, Syl Johnson, Gladys Knight, Wendy Rene...), le son de "36 Chambers" est le contre-pied parfait au g-funk doux et mélodieux de Dre à l'autre bout de l'Amérique. Tout ici est rugueux, tranchant et évoque les bruits des "slums" de la Grosse Pomme.
Le son est déjà une chose, mais le flow que les neufs MCs vont apporter est hors du commun. L'agressivité, les placements, la philosophie orientale couplée à la mentalité street, la "sharp-itude", tout est réuni pour que l'auditeur en prennent pleins les oreilles et en reste bouche-bée. Le premier single "Protect ya neck" est l'exemple parfait, les neufs membres du clan s'en donnent à coeur joie avec une variété et un style, une spécialité, propre à chacun.
Inspectah Deck ouvre les couplets comme personne, Ghost et Rae font déjà la paire, ODB a la technique de l'homme ivre, RZA et GZA sont sur des mathématiques de savants orientaux, Meth jongle avec le flow comme un funambule, la technique est assommante et le style inégalable.
RZA mettra ces styles à l'avantage du groupe en négociant le meilleur deal qui soit : chaque membre du groupe est libre d'aller sur l'écurie de son choix. Le groupe est signé sur Loud Records, mais verra Method Man signer chez Def Jam, ODB chez Elektra, GZA chez Geffen et Ghostface sur Epic. La galaxie Wu-Tang va ainsi régner et briller quatre années durant de 93 à 97 en sortant les albums solos "Tical", "Return to the 36 Chambers", "Liquid Swords", "Only built for Cuban Linx" et "IronMan". Autant d'albums que de super héros paraissant tout droit sorti de comics Books.
Sur ce premier épisode, le Wu a installé son empire bruyamment avec des démonstrations comme "Protect ya neck", "Da mystery of chessboxin'", "WTC ain't Nuthin yo fuck wit'" mais aussi et définitivement avec des classics plus subtils comme "Tearz" au sample sublime de Wendy Rene, "Can it be All so simple" à la fibre nostalgique et qui mettait en place le duo Ghost et Rae sur une loop parfaite de Gladys Knight, mais surtout, peut-être le plus grand morceau de l'histoire du rap, ce "C.R.E.A.M." décidément éternel.
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