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Re-exploring 1994.

  • Jul2laVirgule
  • 30 mai 2020
  • 11 min de lecture

Dernière mise à jour : 28 déc. 2020



Warren G - Regulate G Funk Era

Un modèle de g-funk. Warren G est à la production et au micro sur ce "Regulate G Funk Era" qui figure parmi les meilleurs albums du genre. Conviant moults musiciens (basse, guitare, clavier, batterie), Warren, demi frère de Dr Dre, construit un disque à la replay value illimitée. Il fera partie avec Snoop et Nate Dogg du collectif de Long Beach 213 dont le premier disque ne sortira qu'en 2004, mais dont une cassette promo assez mystérieuse intitulée "St Ides 94" s'échappera cette même année. Ce premier album de Warren G, beau-frère de Dr Dre au passage, est un vrai bonbon à l'esthétique inaltérable qui se bonifie avec le temps. Pour preuve le morceau titre avec Nate Dogg mais aussi ce final en compagnie de Jah Skills, Bo Roc, G Child et The Twinz. Twinz pour lesquels il produira leur seul album "Conversations" l'année suivante qui est une petite pépite dans le même genre.

Écoutez aussi les remixs de "Do You See" (le Stepz remix). Et celui de "Regulate", c'est à se demander d'ailleurs pourquoi il n'a pas produit un album pour Nate. Ce son doux et cette ivresse musicale collait parfaitement à son timbre de voix. Personne ne le faisait mieux.


O.C. - Word...Life

Un album souvent oublié, "Word...Life" de O.C. est un de ces bijoux qui a pris l'ombre des classics trustés par les listes d'albums essentiels de cet âge d'or du rap. Pourtant en termes de technique et de flow, Omar Credle fait partie de la crème. Dans les temps au millimètre, un flow clair, fluide et glissant dans la tradition des Kool G Rap et Rakim, le natif de Brooklyn maîtrise clairement son art. Seulement, il arrive en même temps qu'un autre prodige, qui a en plus suivi le même cheminement dans un presque même entourage. Repérés par MC Serch et présents tous les deux sur le remix de "Back to the grill" en 1992 de ce dernier, Nas et O.C. partagent des similarités au niveau du flow. Comme dit plus haut, ça glisse, c'est fluide et ciselé. Nas aurait même dû être sur cet album mais ne se présentera pas au studio d'enregistrement. Qu'importe O.C. se suffit largement à lui-même, l'album ne présentant aucun featuring malgré son appartenance au DITC qui compte dans ses rangs les pas manchots Big L, Fat Joe ou AG.

La production, elle par contre, est assurée par un de ses membres : le découpeur Buckwild, mais aussi Lord Finesse et Organized Konfusion (qui lui avait donné sa première apparition microphonique sur "Fudge Pudge" en 91). Buckwild montre lui aussi tout son talent donnant une unité au disque qui fleure un jazz chargé en drums bien lourds. Une étoile souvent oubliée elle aussi et mise à l'ombre par les noms ronflants de l'époque (Preemo, Pete Rock, RZA...).

Une preuve de plus de l'émulation dingue qui émergeait de NYC, autant sur le micro que sur les machines, en ce milieu de décennie.

O.C. montre une technique monstre sur un "Time's Up" bluffant de technique et à la production réglée comme une montre suisse. Et ce "Born 2 live" à la vibe " Feel good" en est une autre gemme.


Scarface - The Diary

Quand on en vient aux rappeurs de talents, Brad Jordan aka Scarface a sa place en haut des plus belles listes. Plus discret dans les médias que ses pairs Jay-Z, Nas ou Pac et Big de leur vivant, Face a pourtant une des plumes les plus "deep" du jeu. Une écriture doublée par une voix encore plus épaisse qui rajoute du contenu à cette profondeur. Face brille par ses mots, et les émotions qui se dégagent d'un flow archi-lisible, clair mais toujours adapté aux productions sous son élocution. Lente et solennel souvent comme sur "I seen a man die", souriante et aguicheuse sur "Goin' down", laidback sur "G's", plus enjouée sur "Jesse James", Brad s'adapte aux productions concoctées par N.O. Joe, Mike Dean, Uncle Eddie et lui-même. Des productions concises, qui ne tapent pas vraiment à l'oeil mais qui enrobent parfaitement les raps incisifs et avisés de Scarface. Concis comme cet album, "The Diary" donc, qui compte dix titres plus trois interludes. Son meilleur album, pour beaucoup, va directement à l'essentiel sans se soucier de plans marketing ou accroches en vogue à l'époque. Un coup d'oeil sur la pochette et le livret fera sauter la rétine aux amateurs d'esthétiques et de jolis objets. L'essentiel n'est pas là, il est à déceler entre les lignes du rappeur de Houston. Tout est dans la profondeur.


Jeru The Damaja - The Sun Rises In The East

Quand il arrive avec « Come Clean » en 93, Jeru The Damaja, avec DJ Premier à la prod, marquent l’époque avec cette prod minimaliste ressemblant au bruit d’une goutte d’eau qui tombe sur le sol passé au ralenti. Ce sont en réalité des percussions de bois (semble-t-il) samplé chez Shelly Manne en 1973. Le breakbeat lui est pioché chez Bob Porter (du groupe Funk, Inc.) en 1971.

L’album qui va suivre « The Sun rises in the East » ira complétement dans cette même ambiance obscure et crade. Jeru et Preemo sur un album qui éblouit par sa noirceur, une frappe souterraine arrivant à la surface.

Fin 93/ début 94, Premier et RZA se tirent la bourre sur leurs prods respectives. Ce dernier est à cheval entre « Enter the Wu-Tang » et les premières productions solos du groupe dont celle de Tical, ODB et GZA.

Jeru va arriver avec un album à la pochette prophétique et se révéler comme le chainon manquant entre Wu-Tang et Gang Starr. On pourrait même presque penser que Jeru aurait fait un formidable 10ème (bon, onzieme avec Cappadonna) membre du groupe de Staten Island tant ses raps s’inscrivent dans une mystique similaire à celles de RZA, GZA ou Masta Killah. Son flow se rapprochant également de ces derniers. Un rap lourd, proche de la rue mais connecté aux astres et au cosmos.

Le travail de Preemo est également dingue. Cet album est peut-être sa pièce maitresse. Les boucles utilisées et découpées finement font toute partie d’un répertoire soul un peu obscur entre 1970 et 1975. Les flips sont incroyables, les passages samplés ne durent que quelques secondes et Chris Martin leur fait un tour de magie pour les ressortir parfaitement cradingues et éblouissantes à la fois.

Tous des morceaux de la première moitié des années 70, à l’exception de cet incroyable assemblage sur « Ain’t the devil happy ». Le producteur sample un vif riff de violons d’un morceau de 1981 de Lee Oskar, mais quand même et aussi un breakbeat de 1975 ( « Bouncy Lady » de Pleasure) puis un court extrait d’un stand-up de comédie de la même année. Preemo, surement piqué par la ressemblance de Jeru au Wu-Tang, pousse le vice jusqu’à sampler le rire, rendu maléfique, de RZA pour ajouter à l’ambiance apocalyptique du morceau.

Même exception pour les drums de Funkadelic de 1981 que Preemo ralentit et salit d’un crépitement de vinyle et qui se suffisent à accompagner le flow « Statik » de Jeru.

Les samples sont également pris sur des passages de milieu de morceau et non de début de morceau. Ce « creusage » mêle encore plus de mystère et de panache autour de ce disque qui bénéficie en plus d’un mix (réalisé par la paire légendaire Eddie Sancho / Preemo) et d’un mastering (Tony Dawsey) exceptionnels.


Outkast - Southernplayalisticadillacmuzik

Le disque qui a mis Atlanta et le Sud sur la carte. Car même avec la Miami Bass des 2 Live Crew, le gangsta rap des Geto Boys et les premières excursions de 8Ball & MJG dans ce qu’on pourrait appeler le Dirty South, le sud des USA restait mis à part dans la dualité dominante East Coast / West Coast.

« Southernplayalisticadillacmuzik » des tout jeunes Outkast, dix-huit ans à la sortie de l’album, va bouleverser l’ordre établi. Pas directement dès sa sortie, mais subrepticement, au fur et à mesure des écoutes de cet album addictif paré d’attraits subtils et esthétiques, clinquants de par leur authenticité. S’il fallait coller une étiquette sur ce disque, il se situe quelque part entre la g-funk de Dr Dre, Snoop ou Warren G et le côté cool et naturel de A Tribe Called Quest. Tout en gardant ses racines dans la géographie et les coutumes locales. « Ain’t no thang but a chicken wang », « Crumblin’ Erb », “Funky Ride”, “Hootie Hoo” ou simplement le morceau-titre sont des titres qui suffisent déjà à évoquer le mode de vie atlantien de Big Boi et Andre 3000. Les clips aideront (le premier réalisé par Sean « Puff Daddy » Combs et le deuxième par F. Gary Gray) à populariser l’imagerie sudiste entre les rides sur Headland et Delowe et les séances à l’orée du bois.

Les deux jeunes rappeurs sont complémentaires et récitent leurs vers au kilomètre, avec un débit rapide pour Big Boi et plus saccadé chez Andre en mettant du piment et des épices dans leur flows.

La force de l’album vient aussi de la production d’Organized Noise, team de production composée de Rico Wade, Sleepy Brown et Ray Murray qui seront présents sur leurs trois albums suivants ainsi que sur ceux de Goodie Mob, le groupe voisin. Le cœur de la Dungeon Family qui concoctera la grande majorité de cet album dans le studio de Rico Wade situé dans la cave de sa maison maternelle dans des conditions rudimentaires. La magie va opérer en utilisant des machines de l’espace comme la Roland TR-808 ou l’E-Mu SP-1200 couplé à des instruments (guitares, piano, saxo, basse) joués live dans un groove sudiste délicieux. La guitare d’Edward Stroud sur « Funky Ride » est exquise, les arrangements de « Southernplayalisticadillacmuzik » sont un régal quant au groove de « Crumblin’ Erb », il est carrément irrésistible. L’album trouvant un exceptionnel rythme de croisière sur cet enchainement de gourmets « Funky ride », un salvateur «Git Up, Git Out » et un « Crumblin’ Erb » hédoniste.

Outkast a démontré avec ce disque plein de talent et d’éloquence que Le Sud avait aussi son mot à dire en dehors des carcans de New-York et de Los Angeles. Il a permis aux scènes régionales d’avoir plus d’impact et à Atlanta de s’imposer comme une place forte, voire même la capitale, du rap dix, quinze, vingt ans plus tard.

Cet album n’est peut-être pas le premier choix lorsqu’on aborde les disques d’Outkast, mais quand la météo est au rendez-vous, que le soleil chauffe et la température monte, il est la galette à insérer dans le lecteur de votre Cadillac. Que ce soit un utilitaire d’entreprise ou votre premier tacot de seconde main, l’affaire sera pliée de la même manière.


The Notorious B.I.G. - Ready to die

« Ready to die » fait partie du mythe. « Life after death », son second album posthume aussi. Sur ses deux titres d’albums enregistrés de son vivant, Christopher Wallace aura mis la mort au centre de sa musique. La mort en fond, ainsi que la vie de gangster, de dealer, de hustler, de superstar du ghetto même. Tourner le négatif en positif, du dépassement de soi, il est aussi question de ça sur l’œuvre de Biggie Smalls. Quand « Ready to die » sort, BIG, pas encore tout à fait Notorious malgré le succès de "Party and Bullshit", a vingt et un balais derrière lui.

Enregistré en deux temps, son premier album est un manifeste brut et léché de son talent. La première partie est enregistré en 1993 chez Uptown Records où Puff était directeur artistique. Il en sortira les titres les plus hardcores, bercés de paranoïa, et sans concession du disque : l’intro « Things done changed », le story-telling cinématographique fou de « Gimme the loot » et la ballade pré-mortuaire sombre de « Ready to die » font partie de ces titres là. Easy Mo Bee y fait des merveilles à la production comme sur ce dernier cité où il pioche dans un classic de Willie Hutch (« Hospital prelude of love theme », OST de The Mack) pour en faire un tapis mouvant clair-obscur qui se déroule sous le flow et les lyrics crus, sauvages et sans une once d’espoir de Biggie.

La deuxième partie sera enregistrée après que Puff se fasse virer de Uptown et décide de se mettre à son compte en créant le label Bad Boy Records. Puff changera un peu la donne et introduira un versant plus “joyeux” et commercial au rap de Biggie en lui forçant un peu la main. En résultera par exemple l’ultra-classic “Juicy” où BIG rappera sa vie sur un sample fruité superbement bouclé par Poke (la moitié des Trackmasters). Le compromis en valait clairement la peine et mettra BIG et le label de Puff sur les rails du succès. Rails que Puff suivra sur ses prochaines productions.

Notorious BIG est un de ces artistes pour qui tout semble facile. Il a cette attitude nonchalante et hardcore d’arriver à faire mieux que les premiers de la classe sans forcer. S’il avait un carnet de notes au tout début pour écrire ses rimes, BIG l’abandonnera vite fait pour réciter ses vers en mémorisant tout dans sa tête. Une interprétation et un flow sans pareil, ses intonations sont justes à la milli-seconde près et elles sont doublées d’un charisme et d’une confiance absolue. BIG était peut-être prêt à mourir, mais une chose est sûre, il était né pour ça : rapper. Comme personne d’autre. Sans concession, jusqu’à mettre en scène son propre suicide sur “Suicidal Thoughts”. Une mise en scène qu’on retrouve sur “Gimme the loot” ou “Warning”. BIG a ce côté réalisateur, il prend le mic comme Scorsese ou Tarantino prennent une caméra.

Une légende new-yorkaise qui a aussi un penchant pour des rythmiques californiennes. On est sur de la g-funk de Brooklyn quand il récite son ego-trip charmeur sur “Big Poppa” ou sur les trois productions des Blues Brotherz “One More Chance”, "Everyday Struggle” et “Me & My bitch” (qui pour le coup, ont surement du être enregistrés lors de la deuxième partie de l'enregistrement de l'album).

« Ready to die” lancait le pas pour son deuxième album, mais il garde en plus ce côté rugueux et hardcore qu’il pouvait avoir sans les sucreries de Puff et avec un Easy Mo Bee terriblement en phase avec lui. Il n’y a qu’à ré-écouter ce morceau complètement anti-radio qui allait donner son titre à l’album.

Nas - Illmatic

Depuis le Juice Crew, la ville de New-York, et le quartier du Queensbridge d’où était issu le producteur star Marley Marl, avait quelque peu perdu de sa flamboyance. Tragedy était bien passé par là avec un intéressant « Intelligent Hoodlum » mais cet acte isolé n’avait pas suffi à rallumer la flamme QB.

Avec « Illmatic » au printemps 94, Nas allait marquer l’histoire du rap et remettre New York comme capitale du mouvement.

L’introduction « The Genesis » s’inscrit dans cet héritage. Nas sample, en les faisant se chevaucher, le film « Wild Style » de 1983 et son premier couplet posé sur disque « Live at the barbeque » de 1991. Une superposition de l’Histoire que l’on retrouve sur la pochette, son visage d’enfant en filigrane devant les tours de Queensbridge. Nas en faisant cet album mettra le passé, le présent et le futur du rap new-yorkais dans un condensé d’à peine quarante minutes mais qui va marquer cette musique pour la postérité.

Avec le recul « Illmatic » a un air de disque de blues. Un spleen qui traine autour de la vie dans Queensbridge en émerge. Du piano mécanique de « NY State of Mind » au final aux allures de feu d’artifice de « It aint hard to tell ». La plume de Nas est une caméra virtuose qui plane au-dessus des six blocks et quatre-ving seize tours de briques ternies du plus gros « project » de NYC.

Ce qui marque à la première écoute du flow de Nas, ce sont les assonances et ce flow qui glisse sur les productions sans aucun frottement. Pas de faute de carres qui pousse à la sortie, son rap est millimétré sur la cadence. Rien ne dépasse. Un sans-faute qui lui vaudra des comparatifs parfois embarrassants comme ces termes de « jazz poetry », poète reporter ou poésie rap. Une version calibrée de ce que devrait être un disque de rap à cette époque. Le casting est cinq étoiles derrière les machines : Preemo, L.E.S, Pete Rock, Large Professor, Q-Tip. Les meilleures producteurs de la Grosse Pomme se sont tiré la bourre pour fournir au jeune MC (vingt ans) leurs meilleurs écrins. Difficile d’en ressortir une tant tout est au même niveau, les xylophones de « One Love », la trompette exquise de son père (Olu Dara) sur « Life’s a bitch », le piano ample de « The World is yours » ou la découpe époustouflante de « Represent » sont tous des diamants à la hauteur du talent de Nas.

Quelque part entre le film et le documentaire, boosté par le slang vernaculaire de QB, « Illmatic » est touché par la grâce de l’élocution claire, fluide et ciselé et par le réalisme des lyrics de son auteur. Il est déjà à la première écoute un classic instantané.

Un don et une malédiction dont Nas aura du mal à se défaire par la suite. Il ne reviendra jamais à la hauteur de cet album et ses prochains disques souffriront toujours de la comparaison à son « chef d’œuvre ».

« Illmatic » possède cet aspect pur, presque noble, qui en fait un des premiers albums cités dès que la discussion tourne autour du meilleur disque rap toute période confondue.

Il a aussi permis d’installer Queensbridge comme un vivier de rappeurs talentueux comptant par exemple dans ses rangs les moins jeunes Tragedy ou Poet mais aussi des nouveaux arrivants comme Mobb Deep, Cormega ou CNN.

Un succès annoncé mais surtout un tour de magie mémorable.


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