Compton's Most Wanted - Music to drive-by
Certes, "The Chronic" a tout défoncé. Mais il a mis dans l'ombre ce disque de Compton's Most Wanted, groupe de MC Eiht, Tha Chill, Boom Bam, DJ Mike T et DJ Slip. Alors c'est vrai ça n'a pas la frappe des productions de Andre Young, mais ce "Music to drive-by" est un disque réussi, parsemé de scratchs en guise de refrain comme chez Gang Starr, porté par la voix et flow de MC Eiht. MC Eiht qui continuera une carrière composée de quatorze albums solos, de 1994 avec "We come strapped" à cette année 2020 avec "Official". "Music to drive-by" est considéré comme un classic du gangsta rap californien, usant de samples délicieux d'Isaac Hayes, Barry White ou Quincy Jones, il bénéficie également de l'aide d'un William Zimmerman aux claviers, à l'harmonica, en back vocal ou encore au saxo comme sur ce "Hoodrat" pas piqué des vers.
Spice 1 - Spice 1
Même profil que le "Music to Drive-by" de CMW. Spice 1 est resté en-dessous des fusées tirées par Andre. Pourtant ce sample de "Mothership Connection (Starchild)" de Parliament est arrivé huit mois avant le "Let me ride" de Dre et Snoop. L'album éponyme du rappeur californien sera avec "187 he wrote" et "Amerikkkas Nightmare" une de ses plus belles pièces. Un disque ancré dans la culture ghetto de Los Angeles. Là-aussi les samples sont délicieux : Marvin Gaye, Curtis Mayfield, Funkadelic, Bob James, SOS Band... Un excellent rappeur souvent oublié qui a été dans le sillage de Too Short, avait un album en préparation avec Tupac avant le meurtre de ce dernier, et qui aura comme une évidence deux albums en collaboration avec MC Eiht : "Keep it gangsta" et "The Pioneers".
Les disques de YG par exemple aujourd'hui ont de fortes ressemblances dans les sonorités, écoutez le début de ce "Young ni**a" et le début de "Gimme got shot" sur "Still brazy" pour vous faire une idée.
Diamond D - Stunts, blunts & Hip-hop
Premier album du collectif D.I.T.C., Diggin' In The Crates, le producteur-rappeur Diamond D sort ce "Stunts, blunts & Hip-Hop" aux allures de compilation locale. 22 titres, des apparitions aux machines de Q-Tip, Large Professor, The 45 King, Jazzy Jay et Showbiz et au micro de Fat Joe, Big L et Brand Nubian. C'est un peu la fine fleur de New York réunie sous la houlette de Diamond D. Le son est typique de ce que le rap East Coast va devenir : basses rondes, samples poussiéreux, tout paraît sorti d'une cave et la musique semble imprégné de la fumée des dits blunts du titre. Showbiz & AG sortiront le tout aussi bon "Runaway Slave" dans la foulée comme pour mieux mettre le DITC sur la carte du rap.
The Pharcyde - Bizarre Ride II the Pharcyde
Souvent appelé le ATCQ californien, The Pharcyde apportait une alternative cool et humoristique au gansta rap omni-présent sur la côte ouest. "Bizarre ride II the Pharcyde" est un ovni dans la scène californienne, tout juste devancé par un LP de Freestyle Fellowship l'année précédente "To whom it may concern..." seulement sorti en cassette et en vinyl. Cette ride bizarre est une bouffé d'air, rythmée par les flows clownesques des quatres MCs (Imani, Slimkid3, Bootie Brown et Fatlip) et les prods organiques et originales de J-Swift. La magnifique pochette reflète parfaitement le disque : des montagnes russes où le groupe entre dans un état grisé par une porte qui ressemble à un vagin. Les textes sont délurés et délirants, et encore une fois le travail de J-Swift sur la production sort complètement de l'ordinaire, en perpétuel mouvement, elle s'apparente parfois à du jazz acide remué par des breaks de batterie nerveux. Exemples, le début de "Officer" ressemble fortement à un morceau du groupe de musique électronique "The Prodigy", "I'm that type of ni$%a" exploite des cuivres soudains et vifs, et impossible de ne pas tomber sous le charme de "Passin Me By" et son flip de "Summer in the city" de Quincy. J-Swift aurait pu avoir une carrière incroyable au vu de son talent mais il tombera dans la dope et n'apparaitra pas sur le second album du groupe en 1995 "LabCabincalifornia". Le documentaire "1 more hit", où l'on croirait voir le personnage de Bubbles de "The Wire", retracera son addiction. Ce "Bizarre Ride", que Kanye citera en référence comme son album favori toute période confondu, est le seul témoin de son talent.
Sinon, il y a cet "Otha Fish", seul morceau non produit par Swift, mais également originalement produit avec cette ligne de basse hypnotique en fond. Il est produit par LA Jay et Slimkid3 et glisse tout seul dans la partie la plus reposante de ces montagnes russes californiennes.
Redman - Whut Theee Album
Une des voix et un des flows les plus emblématiques du rap. Redman a éclaboussé sans aucune gêne les flows de l'époque. Repéré par Erick Sermon sur un show de MC Lyte en club où il officiait en tant que DJ ( son premier nom de scène était DJ Kut-Killa) pour un membre de Lords of the Underground, Redman partit vivre chez la moitié d'EPMD. Il accompagna le groupe dans leur tournée en lâchant ci et là quelques freestyles dont il avait le secret. Peu de temps après, il enregistrera son premier album dans une certaine débrouille, laissé pratiquement seul en studio par Sermon, qui avait quand même pris soin de lui enseigner deux trois petites ficelles de studio. Redman est donc au micro et derrière les machines pour ce premier solo éclatant. Lignes humoristiques, débit élastique, Reggie Noble semble être né pour cracher des couplets au kilomètre avec un style unique. Le MC fait des étincelles et dynamite les beats funks lourds, prolongations épaisses et caverneuses du style EPMD mis au goût du jour. Redman enchainera trois albums de haute volée bien qu’un peu longs en comptant après cet explosif premier album, un plus sombre « Dare Iz a Darkside » au funk encore plus crade, et un « Muddy Waters » où il reverra la lumière couvert de boue et où l’on verra une de ses premières collaborations avec Method Man. Redman reste encore une bête de scène en distillant ça et là de très plaisants morceaux, « Slap da shit out you » étant le dernier en date, toujours fidèle à son style. Si c'est pas Top 5 All Time, c'est pas loin.
Pete Rock & CL Smooth - Mecca & The Soul Brother
"Mecca and the Soul Brother".
En gros de la spiritualité et de la musique Soul. Et bien c'est parfaitement ce qu'ont su développer Pete Rock et CL Smooth sur cet album. La pochette noir et blanc sobre autour d'une classieuse carrosserie, ornée d'un logo rappelant l'Afrique et le collectif Native Tongues. Même s'il ne font pas partie du collectif, la musique suit un peu le même chemin tracé par De La Soul et ATCQ. L'écrin est velours, produit par un Pete Rock minutieux et dédié à la tâche. Les instrus claquent, les drums sont parfaits, les loops creusés dans un répertoire soul et jazz avec un tour de main malin. Ça claque, c'est soigné et ça fourmille de détails. Pete ne vole pas son statut de légende, avec DJ Premier (et RZA, et Havoc...) il se partagera la couronne de meilleur producteur East Coast, le temps d'une belle moitié de décennie. Il se fera une spécialité des remixes pour pléthores d'artistes en redonnant, ou même carrément en augmentant ("Fades em' all" de Jamal), de la valeur à leurs titres. Cet album, avec "The Main Ingredient" de 94, met en valeur tout son savoir-faire en terme de digging et de beatmaking.
Ses petits instrus d'autres samples en intro de certains morceaux sont parfois délicieux. Écoutez "Lots of Lovin", son remix. Écoutez "Ghettos of the mind", "Straighten it out". Écoutez "The Sun won't Come Out" et "All the places" sur "The Main Ingredient". Écoutez ce tube à la saveur exquise "They Reminisce Over You".
Dr Dre - The Chronic
La déflagration. Avec "The Chronic" et sa cover reprenant l'imagerie des papiers à rouler Zig-zag, Dr Dre et une cohorte de quasi inconnus allaient mettre dans le mille. Le g-funk a là son prototype, la bande-son parfaite pour rouler en Impala 64, dans le meilleur des cas mais n'importe quelle caisse fera l'affaire, un jour de plein soleil. Lignes de basse ronflantes, sirènes qui mettent sous hypnose, drums lourds et clinquants, samples de P-Funk et de soul chaude, bpm ralenti au besoin, Andre Young a visé juste pour un public local qui s'élargit à la planète entière. En plus d'un son imparable, il invite à sa table moultitude de gremlins qui ont faim : Kurupt, Daz Dillinger, Nate Dogg, Warren G et le glaçage du gâteau : Snoop, encore Doggy, Dogg. Révélateur de talents, on ne saura d'ailleurs pas trop si c'est lui ou Daz le producteur sur certains titres de cette bombe sonore, Dre met en avant d'autres artistes locaux. C'est également la bande son parfaite et un témoignage important de ce qui se passait dans les quartiers de LA à l'époque. La musique est chaude, rutilante, et s'envole vers de la nervosité tendue à l'extrême comme sur ce "Ni**a witta gun" incroyable dont la ligne de basse ferait même remuer un tétraplégique. Il y'a avait aussi surtout dans ce classic un paquet de style et d'attitude qui le rendait irrésistible.
Un coup de maître.
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