EPMD - Strictly Business
Encore eux. Erick & Parrish Making Dollars. Leur premier album Strictly Business était sûrement le disque le plus moderne de 88. Le son est gras, aéré comme les vins de garde, les flows sont fluides et espacés, les deux compères ont compris qu'il fallait laisser la musique respirer. "Let that bitch breathe".
Des samples pionniers comme sur "Let the funk flow" ou "It's m'y thing", et même des airs de Trap bien avant l'heure sur ce "Get off the bandwagon". EPMD était déjà en 88 des esthètes en avance sur leur temps, et un des seuls (le seul?) groupes à aligner trois albums parfaits d'affilée en autant d'années consécutives. Un hat-trick parfait, le premier du rap, qui déclinait un business devenu habituel deux ans plus tard.
Ultra Magnetic MC's - Critical Beatdown
Un album très souvent cité comme référence mais bizarrement aussi souvent oublié. "Critical beatdown" est le disque de B-Boy ultime. La bande de Ced-Gee, Kool Keith, DJ Moe Love et TR Love ont fait partie des break dancers des New-York City Breakers et du People's Choice et cela se ressent dans les productions de ce disque signées Ced-Gee. Samples de funk à gogo, exclamations de James Brown à tire-larigot, rythmes syncopés tous taillés à la SP-1200, Ced-Gee met son talent en exergue pour son groupe après avoir aidé à la production de "Criminal Minded" du BDP et du "Paid in full" de Eric B & Rakim (il produira également pour Tim Dog en 91). Une production qui influencera le Bomb Squad pour le LP à venir de Public Enemy, et qui fera des émules jusqu'en Californie (le flip de "Woman to Woman" de Joe Cocker samplé en 87 sur le titre "Funky" bien avant EPMD, Nice & Smooth ou le Dr Dre). Kool Keith quant à lui ne sera pas en reste avec une carrière aussi longue que la liste de ses alias : Dr Octagon, Dr Dooom, Black Elvis, etc... Une carrière restée un peu dans l'ombre à l'image de ce disque pourtant extrêmement efficace, rugueux et funky.
Big Daddy Kane - Long Live The Kane
Le Juice Crew, les productions de Marley Marl et les raps techniques de Big Daddy Kane. Le MC de Brooklyn, Bedford-Stuyvesant, qui a mis le pied à l'étrier à un certain Jay-Z au début des années 90 en l'invitant sur sa tournée, rencontre Biz Markie en 1984. Les deux se font repérer par Marley Marl, producteur star du Queensbridge, ils joignent le Juice Crew qui comptera dans ses rangs des noms prestigieux comme Kool G Rap, Roxanne Shanté, MC Shan, Craig G, Masta Ace ou encore Tragedy The Intelligent Hoodlum. Leurs sorties sur le label Cold Chillin Records ont pris un petit coup de vieux aujourd'hui mais ça n'en reste pas moins une influence pour beaucoup de rappeurs et de producteurs des années 90 jusqu'à 2000.
Eric B & Rakim - Follow The Leader
Après le coup d'éclat de "Paid in full", Eric B et surtout Rakim étaient devenues les nouvelles icônes. Flow fluide, rimes ciselées sur les mécaniques du ghetto et du monde, Rakim préfigurait le futur du rap. Évidemment, aujourd'hui, et comme pour les sorties du Juice Crew, la musique a pris un coup de vieux. Mais pour l"époque, les cuts de Eric B et le rap de Rakim étaient tonitruands. Il y a toujours un des premiers samples du archi-samplé, piste multi-pistes, "Nautilus" de Bob James sur ce "Follow the leader" gras et affûté produit par Eric B. Un morceau de choix dans leur discographie qui influencera les générations suivantes.
Slick Rick - The Great Adventures of Slick Rick
Nas, Snoop Dogg, Jay-Z, Andre 3000, Devin The Dude parmi tant d'autres ont tous cet album et son auteur en références. "The great adventures of Slick Rick" sonne très daté aujourd'hui mais les talents de story-teller du pirate Rick font partie du patrimoine rap. Ses élocutions claires, ses variations de tons et cette touche Queen English ont été reprises maintes fois soit en samples soit en réinterprétations vocales. Ce premier album produit par lui-même, le Bomb Squad et Jam Master Jay a été, tout comme la face B "La di da di" sur un BeatBox de Doug E Fresh en 85, une source intarissable d'inspirations non dénouée d'humour comme ce clip de "Children's story" aux séquences Benny-hillesques.
NWA - Straight Outta Compton
Dr Dre et DJ Yella aux machines (après leur association au sein du World Class Wreckin' Crew), MC Ren et Ice Cube aux stylos, Eazy-E en figure de proue, et Arabian Prince qui partira peu de temps après la sortie de ce "Straight Outta Compton" sulfureux et précurseur du gangsta rap. Un album qui changera la face du rap, et projettera surtout deux personnages principaux du rap : Andre Young et O'Shea Jackson. L'un deviendra une légende de la production musicale mondiale et l'autre un des meilleurs rappeurs de cette musique (son apogée dans les earlys 90's) avec un style rageur et engagé puis un réalisateur/acteur dans le monde du cinéma reconnu dans des comédies sociétales tels que la série des Friday ou des Barber Shop. Le groupe NWA sera également le premier groupe de rap à avoir son biopic en 2015. MC Ren aura une carrière sous-estimé avec notamment une série de trois albums solos très très solides. Eazy-E n'aura lui pas le temps de prolonger une carrière elle aussi prometteuse avec deux albums notables (Eazy Duz It la même année que SOC et It's On 187um Killa après le split de NWA). Un personnage très rue et haut en couleur qui décédera du sida en 95 à l'âge de 30 ans. NWA sera une influence majeure du rap toujours tenace encore 32 ans plus tard.
Public Enemy - It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back
Dans une actualité où Flavor Flav vient tout juste de se faire évincer du groupe pour "political reason", Public Enemy et le Bomb Squad sortait il y a 32 ans un missile stinger dont la tête chercheuse visait directement les autorités et gouvernements en place aux USA. Plus rapide et énergique que leur premier opus "Yo Bum Rush The Show", "It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back" est taillé pour la cadence rythmée du flow de Chuck D, pour la performance live et secouer les esprits. Prises de conscience politique, réveil des masses, le bruit de PE allait dépasser le mur du son avec Hank Shocklee aux manettes. Le Bomb Squad (Eric "Vietnam" Sadler, Chuck D lui-même, les frères Hanck et Keith Shocklee, Gary G-Wiz et Bill Stephney) allait remplir les 60 (58 exactement) minutes des bandes des cassettes (plus présentes que les CDs à l'époque) à son maximum. Pas de long silence à la fin de la première face, le bruit est compacté comme pour garder l'auditeur alerte. Remplis de courts samples juxtaposées judicieusement, la musique n'a elle aussi pas le temps de tourner en rond : gros riffs de guitares ("She watch channel Zero"), cuivres triomphants ("Show Em Watcha Got"), sirénes stridentes-écorchées ("Rebel Without a pause"), pieds de batteries funk revisités ("Bring the noise"), il émane de l'album une sorte d'urgence et d'agressivité alors sans pareil (toujours ?). Les ad-libs déjantés et la voix éraillée de Flavor Flav ("Cold Lampin' with Flavor") amenait au flow rageux mais un peu rigide de Chuck une soupape de décompression qui équilibrait parfaitement le ton du disque. Un album qui encore aujourd'hui déborde d'énergie, pas autant que son successeur FOABP qui pétera complétement le niveau de "remplissage de bruits", et qui reste encore lisible et actuel. Le coeur flambant de l'album se trouvant sur cet enchaînement de quatre titres "Show'Em Watcha Got" - "She Watch Channel Zero" - "Night Of The Living BAseheads" (véritable carte de visite du son PE-Bomb Squad) et un "Black Steel in the Hour of Chaos" au sample de piano de "Hyperbolicsyllabicsesquedalymistic" de Isaac Hayes magistralement rappé par Chuck D. Morceau qui inspirera dix ans plus tard le politique "Nuage sans fin" de Fabe produit par DJ Mehdi. Un hommage jamais revendiqué (à ma connaissance) mais tellement évident.
Comments