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  • Jul2laVirgule

De 1993 à 2002, dix ans de rap français en dix albums majeurs.

Dernière mise à jour : 6 mars 2021

Note : Cet article a été écrit en juin 2019.

Certains remontent à 1990 et à la compilation « Rapattitude » sur laquelle apparaissaient les premières traces discographiques de NTM et d’Assassin, deux anciens groupes de graffeurs et breakers parisiens. D’autres remonteront à 1989 et à la première cassette d’IAM « Concept ». Mais la première œuvre discographique de rap français remonte à 1984 avec ce « Paname City Rappin’ » aux breakbeats funky de Dee Nasty, et il faut le noter, un flow à la « Nuit de folie » de « Début de soirée » qui arrivera quatre ans plus tard, en 1988, dans les bacs.

La suite est le début d’un mouvement auquel la presse généraliste ne prêtait que peu d’attention et lui donnait tout au plus que quelques années à vivre. Si l’émission de Sidney « H.I.P.H.O.P. » ne durera qu’un an sur la grande chaîne télé d’alors, elle aura le temps de populariser la culture hip-hop dans les quartiers français et chez une bonne partie de la jeunesse française. Le mouvement perdurera dans les années pour finalement devenir et être aujourd’hui une culture majeure dans le paysage musical français et mondial. La musique rap se popularise au tout début des années 90 avec l'émission de radio Dee Nastyle" sur Radio Nova, hostée par les pionniers Lionel D et Dee Nasty puis les premiers albums de NTM, IAM, Assassin, de MC Solaar ou Les Little. Elle ne cessera de se modifier au fil des trente années suivantes et s’adaptera aux nouvelles technologies (de diffusion, de marketing et de techniques de production) pour finalement couvrir un spectre très large : allant de la pop/variété française au rap de connaisseurs le plus technique en passant par d’obscurs zumbas synthétiques. En 2019, nous allons bientôt entrer dans la quatrième décennie de ce rap jeu français, évidemment inspiré de celui-proposé outre-atlantique à la source du mouvement hip-hop. Et la musique continue encore sa mutation et nous étonne toujours, pour le meilleur comme pour le pire. Le temps de jeter un rapide coup d’œil dans le rétro et sélectionner ce que le rap français nous a donné de meilleurs ces dernières années, ici de la période dorée : de 1993 à 2002.

Une sélection de dix albums, en n’en gardant qu’un seul par année.


1993 OMBRE EST LUMIÈRE IAM
“NTM, Solaar, IAM c’est de l’antiquité” 
Booba - Album “0.9” - 2008

Si Papa Lu aka Lucien pose aux côtés de A Tribe Called Quest à New-york sur leur premier LP, les premières années du rap en français, en gros de 90 à 93, ont vu une trinité dominer la scène : NTM, Assassin, IAM. MC Solaar pose un brillant “Qui sème le vent récolte le tempo” en 1991 et Les Little en 1992 sortent un trop peu connu mais brillant “Les Vrais”. Le son proposé est orienté vers New-York et les modèles de l’époque : la Native Tongue chez Solaar, le militantisme de Public Enemy chez les premiers albums de NTM, IAM et encore plus Assassin, un son se rapprochant d’EPMD chez les Little et une pointe d’Eric B et Rakim encore chez IAM. Et en 1993 la lumière arrivait de Marseille avec un clan à 6 têtes et le premier double album du rap. La première oeuvre conséquente du rap en français.

“Ombre est Lumière” est une sorte de French Connection version rap avec Nick Sansano du Bronx (qui a participé aux albums de Public Enemy et au premier Ice Cube) en tant qu'ingénieur sonore, et l'équipe phocéenne menée par le premier pharaon franco-italien de l'Histoire, Akhenaton, et le plus oriental et tout aussi efficace Shurik'N Chang Ti.

Si Chill est encore considéré comme le "leader" du groupe, Imhotep tient sur cet opus baroque et monumental une place importante : celui de grand architecte sonore. Et la patte de Pascal Perez se calque sur les prods chargées du Bomb Squad qui résonnent encore en France, trois ans après “Fear Of A Black Planet” et “Amerikkka’s Most Wanted”.

Le deuxième album d’IAM (ou troisième si l’on compte “Concept” qui dans les années 2000 aurait plus fait figure de “mixtape avant l’album”) est intelligemment entrecoupée de samples de films ou de documentaires égyptiens, d'interludes hilarants qui font respirer un double album qui aurait pu être trop dense ou trop ennuyeux. Il n'en est rien, avec presque quarante titres au compteur, les deux volumes sont plein à ras bord et alternent le sérieux et le désopilant avec une aisance toute marseillaise et un panache inégalé encore aujourd'hui.

Un album qui vaudra à IAM quelques railleries de ses pairs (notamment à cause du succès du Mia et d’un passage sur des ballons dans une émission télé de Dechavanne) que les marseillais mettront à mal avec un rancunier et acerbe “Reste Underground” présent sur le volume unique de l'album.

Mais c'est bien ce double volume qu'il faudra écouter. L’auditeur risquerait sinon de passer à côté de sérieuses blagues comme un “Attentat 2” du diable ou “Le repos c’est la santé”, ballade surréaliste et sudiste sur la plage marseillaise aux petits oignons. Il passerait également à côté d'un contenu social qui n'existe guère plus à l'ère des réseaux sociaux comme sur “Les je veux êtres” ou le classique “L’aimant”, et à une plus large échelle sur “Affaire en cours” ou “J’aurais pu croire” traitant de problèmes plus géopolitiques. Une échelle micro/macro qui préfigureront les morceaux hors-formats "Demain C'est Loin" en 1997 et "La Fin De Leur Monde" en 2006.

Des années plus tard, “Ombre Est Lumière” peut sonner daté dans le son mais le premier double album du rap, est une pièce monumentale, complexe et singulière qui n'a aucun équivalent dans le paysage musical français.

Une bande originale pharaonique qui avec le temps garde une saveur toute particulière.


1994 PROSE COMBAT MC SOLAAR

En 1994, entre la froideur et le réalisme des rues du 95200 et la chaleur jazzy du prose combat, deux écoles s’affrontent.

Ministère AMER boucle un deuxième album avec Garges-Sarcelles comme code postal, ses turpitudes, ses rates et ses lascars au plus près du bitume banlieusard parisien. Reebok ou Stan Smith au pied, Jean 501, pull près du corps, casquette et bonnet vissé sur la tête, Stomy Bugsy et Passi, avec Kenzy comme tête pensante, présentent un opus empreint d’un son tirant plus vers la côte ouest des États-Unis que sur le courant new-yorkais habituellement retrouvé dans les productions de l’époque. “95200” esquissera les prochains classiques du Secteur Ä, ceux d’Ärsenik en premier lieu.

Mais le premier choix de 1994 reste ce disque d’esthètes produit par Jimmy Jay, Boom Bass et Philippe Zdar (le futur groupe Cassius, devenu un pilier du mouvement electro de la French Touch avec Daft Punk, Air ou Justice) et rappé avec talent par Claude M’Barali aka MC Solaar. S’ouvrant sur un saxo de Hadley Caliman, le jazz et le rap se rencontrent et fusionnent à merveille sur ces quinze titres, sublimés par le jeu de rimes de MC Solaar. Comme Zidane face au Brésil de 2006, le rappeur parisien éclabousse de grâce et de maitrise avec des schémas de rimes peaufinés, d’allitérations, d’accélérations et de savants placements. Une maîtrise qui sera mis sur un piédestal par la presse généraliste de l’époque et, comme pour le succès grand public du Mia d’IAM, sera décriée par une partie des auditeurs de rap. Trop lisse, trop gentil, trop propre, pas assez rue, Solaar sera mis en marge du public rap pour finalement être adulé par le grand public.


25 ans plus tard, force est de constater que la couleur du disque a très bien vieillie, samplant tour à tour Earth, Wind and Fire, Serge Gainsbourg, The Isley Brothers, Ohio Players ou Grover Washington Jr, proposant une fusion rap-jazz adulé au-delà des frontières de l’Hexagone (les auditeurs UK en étant particulièrement friand, ils en disposent également une édition spéciale). Rajoutez à cela une discorde entre l’artiste et la maison de disque (Polydor) qui fera que le disque n’est plus à la vente depuis le début des années 2000. “Prose Combat” fait aujourd’hui grimper les chiffres à 200€ l’édition double vinyle sur discogs.com. Une pièce doublement rare du rap français.



1995 MÉTÈQUE ET MAT AKHENATON
“A Paris c’est comme aux States mais enlèves au moins dix ans...”
Booba - Morceau “16 Rimes” - 1996

De 1995 à 1999, le rap français va connaître une émulation assez forte. Une nouvelle école fait son apparition avec des flows de plus en plus techniques à l’image du rap outre-atlantique (Wu-Tang, Queensbridge, D.I.T.C, Boot camp click…) qui lui aussi prend des galons mais toujours avec deux ans d’avance. La Cliqua ( “Conçu Pour Durer” pour cette année 95) et les premières traces de Time Bomb (Vol.1) en tête d’affiche, le Secteur Ä, un rap marseillais qui marche sur l’eau, Mafia k’1 fry, Beat 2 Boul, Val Fourré, Scred Connexion... Autant de départements et d’écoles de rap différentes marqueront l’histoire du rap français d’une pierre blanche en l’espace de quatre à cinq ans. L'année 1995 est pile à ce virage là. Là où NTM droppe un "Paris sous les Bombes" au son très cainri, où Assassin sort son opus majeur "L'homicide volontaire" et où la compilation du film de Mathieu Kassovitz "La Haine" présente un panorama représentatif du paysage rap de l'époque. Une année clé dans ce tournant de l'ancienne vers la nouvelle école.

Vingt ans plus tard, si on demande un Top 5 MCs du rap en français, il y a de fortes chances pour que l'on y retrouve les mêmes noms : Lino, Oxmo, Booba, Ill, Dany Dan, Fabe, Le Rat mais le nom d’Akhenaton sera sûrement un de ceux qui reviendra le plus. Son album solo « Métèque Et Mat » et ses apparitions, que ce soit chez IAM, sur leurs solos respectifs, ou chez d’autres durant ces quatre années ont fait rentrer Philippe Fragione au panthéon du rap français. Sur le micro et derrière les machines, Chill impressionnera par son écriture dense et cinématographique, devenu plus technique encore après ce Métèque Et Mat (l’écoute de « J’ai pas de face » sur la réédition de 97 pour se rendre compte du changement) et par sa facilité à sampler les bonnes boucles (soul en général) et en faire des pistes sèches et chaudes (le parfait exemple sur « Le monde est à moi » de Passi en 97, mais aussi sur « L’école du Micro d’Argent » ou la BO de Taxi en 98).

“Métèque Et Mat” est un album solo, qui peut sonner daté aujourd’hui (il sonnait déjà daté à vrai dire en 97, lors de sa première réédition) de par le flow un peu rectiligne et monocorde de Chill, mais la fine plume du phocéen d’origine italienne, n’a pas eu d’équivalent encore, du moins sur la longueur d’un album de 20 pistes, et surtout sur la densité des récits.

Un story-telling habile sur « Un brin de haine », drame au twist final cruel. Un autre sur le mystique « Prométhée ».

Un auto-portrait plein d’auto-dérision sur « Je suis peut-être ». Un autre moins comique sur « Je combats avec mes démons », avec une réal à la Friedkin période Exorciste.

Un humour piquant de street-fighter sur « Éclater un type des Assedics ».

Des morceaux pleins d’humanité comme sur le triste et magique « Au fin fond d’une contrée » (rap game Francis Cabrel), d’ouverture sur le monde sur « Je ne suis pas à plaindre » ou le paisible «Calme comme essence » (mantra de vie superbe à appliquer à la lettre pour toute personne normalement constituée).

Un constat glacial à la troisième personne sur « Lettre aux hirondelles », suite de « L’Aimant » de 93 et officieuse préquelle du « Petit Frère » de 97.

Une trilogie italo-franco-américaine en filigrane sur « La Cosca », « Métèque Et Mat » et « L’Américano » en samplant par trois fois la version française de Scarface.

Ou simplement de l’égotrip en compagnie de la Fonky Family sur le tube « Bad Boys de Marseille » reprenant des percussions de “Easin’ In” d’ Edwin Starr (1974) et une boucle d’Eddie Kendricks de 1976.

Akhenaton fait une démonstration brillante de l’étendue de son talent, d’autant plus remarquable qu’il produit l’intégralité des morceaux avec brio, aidé par Nick Sansano, Dan Wood (deux ingés sons derrière le « Amerikkka’s Most Wanted » de Ice Cube et le « Fear Of Black Planet » de Public Enemy) et Cut Killer pour quelques scratchs bien sentis.



« Métèque et Mat » est sans conteste un disque essentiel du rap français, un disque de chevet où les enseignements sont nombreux et où, inconsciemment, Akhenaton a eu un rôle de grand frère imaginaire entre les oreilles de nombreux auditeurs. Il sera plus qu’un grand frère pour le rap marseillais. Du début des années 90 à la fin des années 2000, il engendrera dans son sillon de nombreux artistes, de la Fonky Family aux Psy 4 de la Rime, allant jusqu’à hypothéquer sa maison pour pouvoir produire ces artistes. Un personnage indispensable du rap français.



1996 PREMIÈRE CONSULTATION DOC GYNECO

1996, la West Coast en Lacoste, paire de Pumas au pied, une boulette sûrement cachée dans la chaussette, Doc Gyneco arrive en grande pompe avec cette « Première Consultation » produit à Los Angeles mais scénarisé dans la grisaille parisienne du 18ème.

« Ici tout est gris ça s’appelle Paris, les rues sont mortes, les filles décolorées... »

Bruno Beausir, avec son air de grand bonhomme nonchalant, livre un cross-over variété-rap français qui musicalement respire à poumons pleins avec une pointure internationale aux manettes : l’ingé-son Ken Kessie (Herbie Hancock, En Vogue, Tony ! Tony ! Toné !, Sylvester, Whitney Houston…).

Certifié double disque de platine deux années plus tard, "Première Consultation" est le premier gros succès commercial du rap français et mettra le Secteur Ä en haute rotation sur Skyrock, M6 et MCM.

Première apparition du Doc sur le “95200” du Ministère AMER, Gynéco laisse de côté l’image NWA du duo de Sarcelles pour aller vers un G-Funk français plus léger et mélodieux tout en restant dans la provocation. Une provocation moins frontale, plus désenchantée et légère, comme sur ce « Celui qui vient chez toi » ou le premier single « Viens voir le docteur » avec comme axe principal les filles et l’amour (ou le sexe, on ne sait pas trop). « Les filles du mouv’ » avec ce piano entêtant, les singles populaires « Vanessa » et « Ma S… à moi » (sur la réédition) mettent l’accent sur les penchants vicieux et pervers d’un Doc sulfureux et doté alors d’un subtil sens de la formule. Ce même sens de la formule et cette indolence qui lui vaudront une comparaison à Serge Gainsbourg et qui sur ce premier album feront mouche notamment sur « Classez-moi dans la varièt’ » et le suicidaire « Nirvana » où Patrick Dewaere côtoient Kurt Cobain, Pierre Berogovoy et l’intrus Ayrton Senna. « Passement de jambes » est un autre exercice brillant de name-dropping sur le thème du football où se succèdent Mark Landers, Bebeto, Jean-Pierre Papin, Cantona et le parc Guadalajara de 86. « Dans Ma Rue » est sûrement le morceau le plus réussi du disque, véritable ballade au rythme traînant et élégant dans les rues du 18ème où Doc Gynéco se métamorphose en officieux maire de la ville, serrant la pince à tous les passants du quartier. « Né ici » est un autre tube entre le poisson grillé sur la plage du Gosier de la Guadeloupe et les seringues mortes qui se ramassent à la pelle sur les trottoirs de la rue La Chapelle de Paris. Mais finalement toutes les chansons de ce disque auraient pu être un tube : « Si tu crois que je pèze », au refrain digne d’un Patrick Sébastien du dimanche mais qui curieusement fonctionne dans ce récit fait de frigo vide et de drôle de biz. “Celui qui vient chez toi” qui alterne chant avertisseur et couplets provocateurs sur une production cinq étoiles grand luxe. Le trilingue « No se vende la calle » en compagnie de El Maestro (rappeur latino rencontré sur place à LA lors de l’enregistrement). Ou enfin « Tel père tel fils » s’ouvrant sur une allusion aux « élucubrations d’Antoine » et reprenant le standard « Papa was a rolling stone » de The Temptations.



“Première Consultation” est une succession de tubes qui introduisit un personnage singulier dans la musique française qui ne se rapprochera jamais de ce premier succès. Un disque où la musique respirait un air et un savoir-faire californien mêlé au talent brut d’un Doc Gyneco déjà au sommet de sa carrière.


1997 L’ÉCOLE DU MICRO D’ARGENT IAM

En 1997, le choix du disque laisse peu de place au suspens. Documenté par de nombreux articles, ce “Illmatic” français, à lire dans le sens “le classic parmi les classics”, cet album n’a guère plus de secrets à livrer. Mais s’attarder sur la période dorée du rap marseillais qui a suivi la sortie de cet album ô combien influent est un sujet qui a été moins abordé dans les papiers des revues ou webzines spécialisés.

Souvent, et justement vendu comme le meilleur disque du rap français, « L’école du Micro d’Argent » rafle tous les superlatifs et mérite amplement le succès critique et commercial qu’il a eu (disque d'or le jour-même, disque de diamant huit ans après sa sortie). Enregistré une première fois puis complètement refondu avec l’aide de Prince Charles Alexander (ingé-son opérant chez Bad Boy Records sur « One More Chance » et « Life After Death » de Biggie ou « Harlem World » de Mase), le son de « L’école » opère un virage à cent quatre-vingt degrés avec celui de « Ombre est Lumière ». Plus sec et cogneur, plus épuré et minimaliste, on est plus proche du son de Pete Rock, Mobb Deep, RZA ou Premier que de l’influence Bomb Squad du double album de 93. Et Akhenaton et Shurik’n sont encore plus techniques et efficaces qu’avant. Le phrasé d’Akhenaton, surtout, est complètement modifié par rapport à celui de « Métèque Et Mat » qui sonnait un peu monotone, voire dépassé pour 1997. Ce virage négocié au frein à main à la dernière minute a été largement payant pour le groupe qui s’est retrouvé avec un « instant classic » dans les mains. Tellement classic que le groupe ne pourra jamais faire mieux malgré une longévité impressionnante dans le milieu. Fini les interludes marrants de « Ombre est lumière », le troisième album d’IAM est un bloc de rap devenu sérieux, adulte et concis, masquant le peu de rigolade derrière des phases sévères et affutées dans un contexte plus noir et sombre que l’opus précèdent.

Avec « L’école… », IAM ouvrira la porte à une période dorée pour le rap marseillais qui marchera sur l’eau jusqu’au début des années 2000 et qui se refermera définitivement sur le quatrième album du groupe « Revoir un printemps » bien en-dessous des attentes de l’époque après un « entre-albums » aussi flamboyant. L'héritage commencera d’abord par les solos du groupe. Le premier étant la compilation de DJ Khéops « Sad Hill » réunissant le fleuron du rap marseillais et parisien de l’époque (Time Bomb, Scred Connexion et Secteur Ä). Puis (dans le désordre) le solo parfait de Shurik’N, la compilation enfumée et légendaire « Chroniques de Mars » 100% marseillaise signée Tonton aka Imhotep , son solo instrumental « Blueprint », le sombre et faux solo de Freeman en compagnie de K-Rhyme le Roi « Le Palais d’justice » (avec une production parfaite). Enfin deux bande originales de film. La première en 98 pour le film “Taxi” de Luc Besson composée brillamment par Akhenaton. Et la deuxième en 2000 pour terminer en point d’orgue sur la BO de son propre film « Comme Un Aimant » co-réalisé avec son ami Kamel Saleh (qui était derrière la rélisation du clip de “Demain c’est loin”). Un joyau de musique qui dépassera le cadre du rap français puisqu'on y trouvera des pépites soul de Millie Jackson et Isaac Hayes, de rap amércain, de chansons italiennes et de chants corses. Une émulation qui entraînera dans ses sillons un solo solide et sous-estimé de Faf Larage (frère de Shurik’N) « C’est ma cause » et un solo de Def Bond « Le thème » chez Sad Hill Records (label de DJ Khéops).

Pendant ce temps-là, en 1998 la Fonky Family sortira le furieux « Si Dieu veut… », énergie brute de la nouvelle génération marseillaise, et le Troisième Œil, groupe voisin, sortira « Hier, Aujourd’hui, Demain ». Le rap marseillais se porte à merveille. Ses protagonistes s’invitent tour à tour sur leurs propres disques et sont invités aux quatre coins de l’hexagone laissant la concurrence en admiration devant autant de talents. Sur le « Hors-série Volume 1 » de la FF, de premières tensions apparaitront entre le groupe et leur label Côté Obscur (label d'IAM) qui aboutira sur la fin de la collaboration. Libérés du label d'IAM, Le Rat Luciano sortira son superbe album solo en 2000 puis 2001 verra la FF se retrouver pour un deuxième brillant album "Art de Rue". Après ces épisodes, les deux groupes ne retrouveront plus leur succès d’antan. La FF se séparera après leur troisième album “Marginale Musique” en 2006 où des tensions internes auront raison du groupe.

“C’est comme ça que le monde marche et j’sèche quand j’cherche à comprendre” 
Sako - Morceau “Maudits soient les yeux fermés” - 1998

Mais IAM, et surtout Akhenaton avec son nouveau label « La Cosca », sortira encore des talents de l’ombre comme Sako et Hal du duo Chiens de Paille (présents sur la BO de “Taxi” et celle de “Comme Un Aimant”), Coloquinte (Samm et Le A) et Mic Forcing (Masar et Veust), tous issus du 06 (Cannes, Vallauris, Nice). DJ Khéops mettra lui en avant les Psy4 De La Rime sur le deuxième volet de ses compilations « Sad Hill Impact » en 2000.

Les années 2000 verront donc le déclin de toute cette galaxie marseillaise. En témoignent le projet électro-revival d’Akhenaton « Electro Cypher » et la réunion prometteuse de Shurik’N et Faf Larage ratée sur l’album « La Garde ». Le deuxième essai de Freeman « Mars Eyes » est anecdotique tout comme « Sad Street vol.1 » de DJ Khéops qui n’aura jamais de volume 2. Le deuxième album solo de Chill « Sol Invictus » sauvera les meubles, bien que trop inégal. « Mille et un fantômes » de Chiens de Paille sera le dernier disque remarquable de cette épopée, jusqu’à la réunion d’IAM sur un décevant et trop réfléchi « Revoir Un Printemps » manquant de spontanéité.


La « Norme Marseillaise » s’éteindra peu à peu et laissera la cité phocéenne à la peine pour les années à venir. L’École du Micro d’Argent, 22 ans après, lui, est intemporel et brille toujours au sommet du rap français.


1998 OPÉRA PUCCINO OXMO PUCCINO

98, c’est l’apothéose. Les différentes écoles du rap français vont sortir des albums considérés plus de 20 ans après comme des références qui ont traversées le temps. Busta Flex et NTM sortent chacun un album éponyme pour la gloire du 93, le Secteur Ä sort de sa manche le duo Ärsenik pour un « Quelques gouttes suffisent… » diabolique, à Marseille la Fonky Family allume la mèche et dynamite le jeu sur « Si Dieu Veut… », Shurik’N sort le parfait « Où je vis », et les « Chroniques de Mars » rajoutent un peu de fumée sur une compilation estampillé aux normes locales. Dans le 94, Ideal J sortira le vindicatif « Le combat continue », dans le 92 Les Sages Poètes reviennent avec un double album à la saveur Native Tongue sur le bien nommé « Jusqu’à L’Amour ». Le 18ème arrondissement de Paris est présent avec le meilleur album d’un des meilleurs MCs de France : « Détournement de Son » de Fabe. Paris est là encore avec « Heptagone » d’ATK et l’hexagone en général est représenté sur la compilation « Opération Freestyle » de Cut Killer.

Difficile d’en choisir un seul tant la qualité est omniprésente en cette année. Si « Où je vis » semblait il y a vingt ans en arrière le plus redoutable, si Kery James était à l’apogée de son art et si Fabe était peut-être le meilleur rappeur à cette époque (technique + contenu), le top 3 de cette année à l’instant t aujourd’hui serait composé d’Ärsenik, de la Fonky Family et d’Oxmo Puccino. Oxmo et son fantastique Opéra qui mettra l’école Time Bomb en avant de la plus belle façon.

98 est aussi une année où les producteurs deviennent plus brillants et commencent chacun à avoir une patte sonore qui les identifient. Pone et sa singularité et ses choix de samples chez la FF. Djimi Finger chez Ärsenik et une découpe très fine des sons. DJ Mehdi chez Ideal J avec une rythmique plus rapide et cogneuse (on n’est pas encore sur le son des « Princes de la ville » mais on s’en rapproche par exemple sur « RAS 1 » ou « Le Soir » chez Fabe). Madizm chez NTM et Busta Flex qui compose de petites pépites dont un « IV My People » rassembleur et très cainri dans la forme (et dans les flows des rappeurs). Les frères Kodjo (Zoxea et Melopheelo des Sages Po) et Shurik’N réalisent aussi un travail remarquable sur leurs albums respectifs. Sans parler de DJ Mars et DJ Sek qui fournissent un velours auditif poussiéreux et parfait sur cet « Opéra Puccino », où Princes Charles Alexander terminera, comme sur « L’école du micro d’argent », le mix.

« Opéra Puccino » est le meilleur album d’Oxmo. Une affirmation discutable car la première place est souvent disputé avec l’album suivant. Mais à de nombreux points de vue « L’amour est mort » est comme ce film imparfait que l’on aime voir et revoir en connaissant ses lacunes : trop long, des liaisons mal faites, avec une direction artistique un peu loupé et ce malgré une substance première impeccable et des passages incroyables. « Opéra Puccino », même si lui aussi n’est pas totalement parfait (« Le mensongeur » aurait-il dû être sur l’album ou pas ?), possède plus de liant et une trame mafieuse-vie déchue plus maîtrisée que sur son successeur. Une unité qui se construit avec les mêmes producteurs tout le long du disque et qui installent une ambiance grise tirant sur le noir, un son rond et des découpes de samples qui peuvent rappeler le style d’Easy Mo Bee sur le « Ready To Die » de Notorious BIG. Un parallèle que l’on ne peut éviter entre Oxmo et la légende de Bedstuy de par le timbre de voix, un flow et une écriture qui résonnent entre les deux ; comme le nom des morceaux des deux artistes et de ses couplets sur « L’enfant seul », ses « Visions de vie », ses « Peurs noires ». Oxmo ne laisse respirer ces visions obscures que sur des exercices de story-telling mafieux sur « Hitman » (qui selon les dires de Thibault De Longeville, au design sur ce projet, aurait du être clippé par John Woo), « Alias Jon Smoke », « Sortilège » ou un décalé « Sacré samedi soir ». Des morceaux extraordinaires qui prennent encore aux tripes sur un final cœur-foie-poumon qui laisse encore l’auditeur estomaqué sur « Le jour où tu partiras » (en feat avec K-Reen), « La loi du point final » (meilleur passe-passe avec Lino) et « Mourir 1000 fois » (Jet cette prod incroyable de sirène étouffée).


Oxmo est un maître de la diction et des mots (écoutez les freestyles Générations d’Original Bombattak de l’époque) que DJ Mars et DJ Sek (et Prince Charles Alexander) ont parfaitement su habiller pour en extraire la moelle principale : celle d’un rimeur hors-pair à l’humour et l’humeur noire, aussi à l’aise avec le costume de mafieux Puccino qu’avec le simple apparat d’un jeune du dix-neuvième arrondissement de Paris, retranscrivant les émotions à merveille. Un coup de ciseaux dans le crâne et aux sentiments, et ça fait 21 ans qu’on gît toujours sur le sol.


1999 LES PRINCES DE LA VILLE 113

Victoires de la musique 2000, un 504 break chargé monte sur la scène de la cérémonie. Au volant, trois banlieusards de Vitry avec pour origines l’Algérie, les Antilles et le Mali. Rim’K, AP et Mokobé balancent un « Tonton du Bled » et raflent deux trophées (Meilleur album « Rap Reggae ou Groove » et Révélation de l’année) remis par un autre monde, celui de Michel Drucker et Jean Luc Delarue. Un quatrième homme est aux manettes de ce succès critique : le regretté DJ Mehdi derrière les compositions percutantes et électroniques des « Princes de la Ville », premier album du 113.

La scène est mémorable, pourtant aujourd'hui on ne trouve presque aucune trace sur les plateformes vidéos d’Internet de ce couronnement inespéré et, pour tout dire, incongru. Comme si le résultat avait échappé au contrôle académique de la cérémonie. Le 113 est venu « foutre la merde » et ont mis les pieds dans le plat avec une franchise fraiche, brute et toute naturelle dans un monde réglé comme une montre suisse.

Le premier album du groupe est à l’image de cette cérémonie (où Zebda avait également ajouté son petit grain de sel), un coup de pied au cul bienvenue dans le rap français, avec un culot et un argot bien à eux sans se soucier des formats de l’époque. Pas de copie de rap US, les trois rappeurs ne sont pas les plus techniques de France (même si Rim-K possède ses atouts : un charisme et un parlé de loubard qui lui vaudront une brillante longévité), leur rap est 100% vitriot et français. “Les princes de la ville” devient la bande-son du 94 et d’un triangle Orly-Choisy-Vitry, la banlieue parisienne jeune et ambitieuse, parfois vicieuse et débrouillarde mise en orbite sur un sample choisi dans la discographie de Curtis Mayfield retravaillé avec soin par le talentueux DJ Mehdi, la vraie star de ce disque. Le jeune producteur ne ronge pas son frein sur cet album et expérimente un peu plus que sur le terrain offert par Ideal J un an plus tôt. Des influences électro dès l’intro et un « Ouais gros » le plus franc et direct du monde avec un sample du « Tans-Europe Express » de Kraftwerk. Quelques minutes plus tard, « 1001 nuits » reprend un sample déjà utilisé par RZA et GZA en 1993 sur « Clan In Da Front » pour en faire un crade et sale état des lieux de la vie banlieusarde. DJ Mehdi empruntera encore la même année sur les “Sessions Première Classe” un autre sample déjà utilisé par RZA sur le légendaire “C.R.E.A.M.”. En ressortira “La vérité blesse”, possible chute de l’album du 113, en compagnie de Rocé et JP de Less du Neuf. S’enchaineront des références musicales à Ramsey Lewis sur "Les regrets restent" ou à René & Angela déjà samplé par Easy Mo Bee sur « I Love the Dough » réunissant BIG et Jay-Z deux ans plus tôt mais que Mehdi parvient à égaler dans sa production dopée de « JackPotes 2000 ». Et puis deux flips incroyables. Le premier sur le corrosif « Face à la police » et un sample vocal de courtes secondes de « I’m Glad you’re mine » de Al Green (l’album « I’m still in love with you » de 1972 déjà bien usé en samples notamment chez Bad Boy Records). Le deuxième avec le 113 Clan, le terrifiant et sec « Main dans la main » invitant une équipe réduite mais redoutable de la Mafia K’1Fry (Rohff, Kery James, OGB et Manu Key) sur un court sample d’une corde rebondie de « You are everything » de Diana Ross et Marvin Gaye. La différence est saisissante entre les morceaux originaux et les morceaux “sampleurs”. Ce contraste démontre tout le talent de Mehdi pour dénicher un court extrait d’un standard soul et en faire un morceau nerveux et crapuleux de cette trempe. DJ Mehdi y ajoute sa signature : un BPM plus accéléré que sur la majorité des productions de l’époque et une percussion souvent doublée et rapide parfaitement illustrée sur « Les princes de la ville », modèle du genre et aperçu de ce que Mehdi est capable de faire avec les machines. Comme sur l’intro « Ouais Gros » où l’on aperçoit déjà sa touche électro dont il se rapprochera chez Ed Banger Records quelques années plus tard. Le disque reste une de ses meilleures réalisations à l’image du « Contenu sous pression » de Karlito présent ici sur le morceau fantôme « L’âge du meurtre » samplant cette fois « Summer in the city » de Quincy Jones, avec encore une fois un contraste surprenant entre le morceau original et le sample.

Mehdi laissera place à Pone de la FF sur les cinématographiques « Hold-Up » et « Réservoir Drogue » et à Delta & Regis d’Expression Direkt sur « Tonton des îles », version antillaise de AP du Tonton blédard de Rim-K, sans engager la qualité et la cohérence de l’album.



20 ans plus tard, « Les princes de la ville » a toujours ce son unique et futuriste, entre rap banlieusard franc direct et électro claquante. La pochette mosaïque aux milles photos d’Alexander Wise (qui avouera 19 ans après qu’elle servit de support au commissariat de Vitry pour reconnaître les agresseurs de la ville) usée aux quatre coins, le CD rayé après tant de lectures dans d’endroits improbables, le boîtier à moitié déboité, il est temps d’en faire une réédition à la hauteur du choc frontal de ce véritable classic du rap français. Le disque le plus original et le plus singulier de 1999.


2000 MODE DE VIE BÉTON STYLE LE RAT LUCIANO

« Salut à ceux qui parlent sur d'la musique C'qui décrivent joie, angoisse, haine et amour Sans méthode précise et sans être alléchés par l'appât du gain Mais juste parce qu'ils en éprouvent le besoin »

Ce bout de couplet sur « Art de Rue » en 2001, est une digestion parfaite, un an après, du premier et seul album solo du Rat Luciano « Mode de vie…Béton style ». La légende marseillaise du Panier, le rappeur préféré de tes rappeurs préférés. Celui qui collaborera avec les plus grands noms du rap français mais aussi les plus obscurs. Humilité, simplicité, quartier attitude. Le clan des 103 Peugeot, les mains sales à cause de l’argent sale, l’art de rue comme thème. Et rarement la rue n’a été rappé avec autant d’authenticité et de sincérité. Christophe Carmona, et son timbre vocal de velours reconnaissable entre milles. Presque laid-back à la Snoop Dogg sur « A bas les illusions » ou « Zic de la zone ». Tournant à l’écorché vif sur le fantastique et hors-format « Niquer le bénéf » ou sur l’ultra-technique « Rien n’est garanti » en compagnie des X-Men. Le Rat Luciano survole le rap français avec un talent brut amélioré par des heures de travail, du shit sous les ongles, des centaines de feuilles de papiers gribouillées et une remise en question permanente.

“ Je t’ai montré l’Hexagone du doigt du shit sous un ongle
J’suis la belle vie sous un autre angle , faut pas t’inquiéter” 
Booba - Album “Temps Mort” - 2002

L’écriture du Rat se fait plus intime comme sur le rassembleur « Sacré » et son sample electonique-funk du groupe Stone (1981) ou sur le son new-wave d’« Il est fou ce monde » venu d’un morceau de Cock Robin de 1985. Pone épaule Le Rat sur pratiquement tout l’album (seul « Tout et rien » est produit par DJ Djel) et explore un pan inexploré de la musique usuellement samplée dans le rap français. Celle d’un funk-rock électronique des années 80 qui donne une saveur originale et toute particulière à l’album. La réussite du disque se base sur cette association de malfaiteurs. Isolé dans un chalet des Alpes pendant une semaine sans télé et au milieu de la neige (Internet n’était pas encore omniprésent), les deux artistes vont enregistrer une première grosse partie de l’album. Ils termineront l’enregistrement au studio Polygone à Toulouse pour livrer une des plus belles pièces du rap français. Une œuvre unique et sincère où on lira entre les lignes et les nuages de fumée du Rat. Pone lui glissera ses plus beaux écrins comme le morceau titre. Sample décalé du hit soul chaud et sulfureux « If loving you is wrong I don’t want to be right» de Millie Jackson en 1974, Le Rat en fera un « Mode de vie complexe » complètement écorché et revanchard. “C’est de la pure œuvre de rue, un vrai conte de fée moderne. Si c’est un crime, puisse te pardonner ma faute, j’ai jamais voulu faire de modèle.” Pone fait des merveilles encore sur ce sample millimétré de Space (« Carry On, Turn Me On ») sur l’incendiaire et révolutionnaire « Nous Contre Eux », faisant penser à une version française de « The world is mine » de Mobb Deep et Nas, avec Sat, Luciano et Rohff sur un bateau cigarette venant de Cuba à destination de Miami. Il faut revenir également sur « Niquer le bénéf », morceau essentiel du Rat pour bien cerner le personnage. Un des seuls qu’il « légitimera » après la sortie de l’album (il disait en interview qu’il ne retenait que trois morceaux de cet album dont il était insatisfait). Deux minutes cinquante pas clinquantes d’appel à cramer les bénéfices sur un espèce de morceau hard-rap, avec de gros scratchs de DJ Djel lacérant la prod explosive de Pone. Un hors-format intense qui aurait pu soulever des foules en concert ou lors de manifestations anti-capitalistes. Et puis il y a cette judicieuse articulation en trois actes : « De un », « De deux », « De trois ». Luciano y inscrit encore plus en profondeur ses états d’âme, toujours plus dans l’intimité pour culminer sur une outro en roue libre et cette façon de vivre au jour le jour sans calcul. Un discours qui culminera sur « Derrière les apparences », mise sur orbite des pensées du Rat sur une production aérienne qui touche les cieux, avec des rayons de soleil perçant les nuages, de Pone. Le message du Rat y est presque spirituel, transcendant “les discours politiques prétentieux de ceux qui nous gouvernent.”

Le Rat, c’est un peu Juan Miranda, le gabarit en moins, dans « Il était une fois la révolution » de Sergio Leone. Un gars qui a compris les rouages du système et qui fait avec, juste assez pour nourrir ses proches, pris dans une révolution devenu trop grande pour lui, préférant rester roi sans couronne dans son propre environnement avec une flamboyance incroyable. La haute-société qui mangeouille ses bons plats dans la diligence, très peu pour lui.

La même année, Lunatic sortira le légendaire et glacial « Mauvais Œil ». Dix ans plus tard, Booba citera sur le morceau « Comme une étoile »: « J’éclaire cellule, scie les barreaux Sur ces notes de piano, regrette l’époque du Rat Luciano ». Quinze ans plus tard, Ali collaborera avec lui sur son album « Que la paix soit sur vous » le temps d’un “Réflexion”. Son couplet est dans l’air du temps, s’adaptant aux nouveaux flows de l’époque devenus plus hachés. Le Rat se fera remarquer sur d’autres apparitions distillées au compte-goutte après la chute de la Fonky Family. En 2006, sur “Illegal radio” il lâchera “Dans la peau de Tony” qui ira droit au but comme un missile sol-air de Franck Sauzée en 93. La même année encore, il se retrouvera dans l’underground marseillais sur le premier album de Black Marché pour un “Hommes de fer” où il crame le morceau façon Jadakiss : voix rauque, phases tranchantes. En 2009, il sera sur l’album de Kery James pour un froid “Le respect du silence” rappé la main devant la bouche comme dans Casino. En 2016, il explose le compteur du groupe underground marseillais Numbers, le temps d’un couplet en forme olympique citant à la volée Arnold & Willy, Billie Jean, Carlito, Bieber et Tupac.



En 2019, et malgré un quasi-silence discographique depuis la chute de la FF en 2006 (et des apparitions dont certaines sont plus remarquables que d’autres), Le Rat est toujours présent dans les souvenirs. Tout le monde espère juste patiemment qu’il sorte de l’ombre et donne suite à “Mode de Vie Béton Style”.


2001 CHACUN POUR SOI SALIF

Année prolifique et brillante pour le rap français, 2001 voit un changement dans le son outre-atlantique. « Chronic 2001 » de Dre est passé par là deux ans plus tôt, et les producteurs stars sont passés d’un trio de diggers Pete Rock – RZA – Preemo à un combo plus électronique et synthétique Timbaland – Neptunes – Swizz Beats. Ruff Ryders, Roc-A-Fella, Jay-Z et l’ogre Eminem squattent les charts US.

2001 voit aussi la prolifération des graveurs CD et du mp3 dans les foyers. La diffusion de la musique « sous le manteau » se voit accrue. Les « bouquins » de CD gravés se multiplient dans les lycées et sous les sièges avant des Golfs, 205, Clios et consorts. « Art de Rue » de la FF, « Du rire aux larmes » de Sniper, « Sol Invictus » d’Akhenaton, « X-Raisons » du Saïan Supa Crew, « L’amour est mort » d’Oxmo, « La vie avant la mort » de Rohff et « Si c’était à refaire de Kery James » seront parmi les plus copiés. Les plus initiés achèteront le « 1001 fantômes » de Chiens de Paille, le « Contenu sous pression » de Karlito (et DJ Mehdi) ou le « Microphonorama » de Triptik. NTM sortira un concept visant à remixer leurs tubes sous les labels respectifs de Joey Starr et Kool Shen, B.O.S.S. et IV My People. Le label de Kool Shen prendra l’avantage avec un roi du remix dans ses rangs : le producteur Madizm, accompagné de Sec. Undo, qui seront les metteurs en son du disque choisi pour cette année : l’irrégulier mais explosif « Chacun pour soi » de Salif.

Alors clairement, ce premier album n’est pas un album parfait. Il faudrait libérer le disque de la moitié de ses morceaux (beaucoup de la deuxième partie du disque) pour en faire un mini-album parfait. Le fameux « reduced by » nécessaire à tout classic, ici oublié par l’équipe de IV My People. Autour du disque : Madizm et Sec Undo donc, Zoxea, Kool Shen, Exs (son partenaire de crime chez Nysay) et Sérum.

La pièce essentielle, le talent fâché brut de décoffrage du rap français, armé d’une aisance et d’un bagout à la Christopher Wallace dans le flow, posé sur son chiotte comme Devin The Dude sur son premier album éponyme deux ans plus tôt, c’est bien Salif. Salif et Fon. Son alter-ego alcoolique qui donnera une épaisseur éthylique à ce « Chacun pour soi » tout droit sorti de la cité du Pont-de-Sèvres, Boulogne, Hauts de Seine. Celui qui prendra véritablement sa retraite du rap neuf ans plus tard après un dégoût du milieu, éclaboussait de talent, de technique et de facilité sur ce premier essai long format.

Alliant un rap lucide à un parler cru et direct, doté d’une élocution chirurgicale, Salif, avec ce fatalisme de vieux briscard et cette motivation de jeune loup, est explosif sur ce “Chacun pour soi”. Preuve en est le rassembleur morceau titre impulsif frappant toujours juste, avec un style percutant et ravageur. Des variations de tons, des schémas de rimes et d’assonances inédits comme sur « Bois de l’eau » où un dernier couplet de magicien le fera surpasser Zoxea sur ses terres. Autre exemple sur « Rap Gunshot » où il mettra sur la touche les pourtant brillants Alcide H et Dany Boss de Sérum.

Plus qu’impeccable sur la forme, le fond derrière les raps foudroyants du jeune rappeur boulonnais est tout aussi bon. Une débrouillardise et une vision éclairée sur son environnement, on sent chez Salif une détermination à vouloir tirer profit de ce funeste constat pour se sortir de ce guêpier. Fougueux mais sagace sur « Faut qu’les gens comprennent ça » qui prend encore plus de sens aujourd’hui à l’époque des réseaux sociaux. Toujours énervé et spontané sur l’attentat final « Jactez, j’m’en bats les couilles » avec un deuxième couplet guerrier. Salif est une tornade sans fards sur cette mise au point radicale.

« Ce qui fonctionne ici c'est le capitalisme, t'as les gars qui t'haïssent Les gars qui trahissent et ces fils de pute de l’État qui balisent. Quand je parle d'unité c'est souvent dans l'hypothétique. Ma vie c'est la rue, une vie propre et chic à base d'hip-hop et d'fric… »

Cette lucidité ayant pour point d’orgue un pesant et violent « Dur d’y croire » sur une production triste et alambiquée de Madizm. Le producteur pioche un cuivre de Jack Bruce de 1971 arrivant discrètement au moment du refrain et une corde qui parait tout droit sorti d’un polar noir à l’ambiance pluvieuse. Salif y percute l’auditeur dans sa grisaille, "son rôle de caillera" et ce « no future » quotidien. Il réitérera l’exploit plus loin et en y ajoutant un grain de politique sur « Notre vie se résume en une seule phrase ». Un tour de force magistral répondant directement au « That’s my people » de Kool Shen de 1998. Technique, référencé, frontal, clairvoyant et subtilement marqué d’une touche d’ironie. Morceau parfait dans un croisement naturel de l’école NTM de St-Denis et celle des Lunatic des Hauts de Seine.

« Les banlieusards, les indigènes Mais à la télé c’est d’nous qu’on parle dès qu’l’indice gèle De nous, ces jeunes au destin qui gène J’sais pas, p’t’être qu’ils aiment voir comment nous rend ce chien d’système… »

Le discours s’aère ensuite sur un dispensable « Ghetto Cailles » à la production Swizzbeatesque (« Why » et « Faut vendre » ont le même défaut) puis sur une triplette fume – boisson bienvenue. Un « Sous Bass and Drum » où l’afghan-indien parfume la prod de Sec Undo. Et un double titre « Elle est partie » - « Bois de l’eau » où Fon prend la place de Salif. Son double penché sur la bouteille prend le micro supervisé par le recul de Salif en maître d’ouvrage. On peut y retrouver une science de l’interprétation façon Brel. Salif joue son propre rôle, toujours avec un leust impeccable et une lucidité d’expert sur le sujet. La montée puis la descente avec un aplomb de pilier de comptoir.

« Non franchement, je sais même pas si ma femme est partie parce que j'ai décidé de boire Ou si j'ai décidé de boire parce que ma femme est partie… »

Le disque de 16 titres aurait pu être réduit à un bon 12 titres pour en faire un classic. Mais ce qui ressort principalement de ce disque est le talent du jeune rappeur boulonnais alors âgé de 20 ans et déjà plein de recul, vieux avant l’âge comme Prodigy. Six ans séparent « Chacun pour soi » de « Boulogne Boy » (enregistré chez Wagram Music), son projet suivant. L’épisode IV My People ayant tourné court en 2005 pour des difficultés financières, son deuxième album « Curriculum Vital » sortira en 2009 chez AZ, précédé de « Prolongations » (mixtape avant l’album) chez Neochrome. Ces différents projets, malgré de nombreux coups d’éclats et baignés d’une teinte beaucoup plus sombre et street, n’auront pas la teneur de son premier album et rencontreront un moindre succès. « Qui m’aime me suive » chez Valyu Prod (?), son troisième album malgré une prise de risque plus musicale marquera la fin de carrière artistique de Salif en 2010.



Le "Tous ensemble" du titre de l'album étant définitivement barré pour son interprète, du moins dans le milieu du rap, « Chacun pour soi » restera comme la meilleure trace discographique de celui qui aurait pu être le meilleur rappeur français. Avec de nombreuses corde à son arc : l’énergie, la technique, un caractère bien trempé, un argot bien à lui, une interprétation brillante, une lucidité à toute épreuve. Sans oublier cette dualité permanente résumée brillamment, encore une fois, par lui-même dans une interview de Mehdi Maizi pour l’Abcdrduson.com en 2009 : « Je ne fais pas du rap conscient mais du rap avec du recul. Mon rap c’est un mec cagoulé en train de braquer qui a conscience que ce qu’il fait n’est pas bien. Je pense que c’est le meilleur des raps...”


2002 L’OMBRE SUR LA MESURE LA RUMEUR

2002, c’est une fin de cycle et le début d’un nouveau. Deux des plus grosses pointures de ces dernières années livrent leur deuxième album, le rappeur le plus en vue du moment sort son premier album solo et de nouvelles têtes comme TTC et La Caution viennent bouleverser le paysage du rap français. « Quelque chose a survécu », quatre ans après « Quelques gouttes suffisent », voit Ärsenik gonfler les muscles, productions à l’américaine avec un modèle Blueprint Jay-Z. Grosses boucles soul travaillées sur le modèle Just Blaze / Kanye West (« Rue de la Haine » ou « Paradis assassiné ») ou compositions plus synthétiques façon Rockwilder sur un « Monsieur Qui » électrique de Lino. Djimi Finger, Sulee B Wax et Yvan sont derrières les machines de cet album avec une direction artistique peut-être trop en avance ou trop américaine pour le rap français de l’époque.

Deuxième album également pour le 113 avec un « Fout la merde » moins marquant que « Les princes de la ville », l’effet de surprise a disparu, mais qualitativement très réussi. DJ Mehdi y peaufinera sa signature musicale qu’il avait entamé sur le premier album du groupe et sur « Contenu sous pression » de Karlito en 2001. Un son très électronique et expérimental comme sur ce « Traffic » aux allures de jazz-ambient façon St Germain. Autres exemples du génie musical de Mehdi avec ce son très rugueux fait de guitares électriques de hard-rock sur “Assoces de...” ou sur le morceau titre en compagnie de la moitié des Daft Punk pour une fusion French Touch/Rap vitriot grisante. Un album qui restera un peu comme l'au revoir au rap français de Mehdi Faveris-Essadi puisqu’il s’envolera justement chez Ed Banger Records les années suivantes vers un univers plus électronique.

Deux disques réussis qui n’auront finalement, et bizarrement, qu’un succès mitigé.

2002 voit aussi le premier album tant attendu de Booba, un « Temps Mort » dans la lignée du « Mauvais Œil » de Lunatic. Avec toujours Mobb Deep comme modèle en filigrane et des phases de fous « depuis que son joint s’est roulé, qu’il a rôté son poulet rôti et recraché deux ilotiers. » Un disque important où le fameux rap "piano-violon"évoluera aux travers de compositions nouvelles du duo Animal Sons avec plus de synthés et de composition ("On m'a dit") et moins de samples, amorçant la musique rap des années 2000 et les nombreux street-albums à venir.

La Caution avec la ré-édition luxueuse d’ «Asphalte hurlante » et TTC avec un curieux et original « Ceci n’est pas un disque » apporteront un nouvel élan à un rap français en bout de course en s’aventurant dans des courants électroniques et des flows nouveaux qui leur vaudront une étiquette embarrassante de « rap alternatif ».

Dans cette fin « d’âge d’or » du rap français, La Rumeur tire son épingle du jeu. Avec « L’ombre sur la mesure », on baigne dans un rap classieux, intègre et revendicatif.

Une ambiance feutrée du Paris des films noirs de Audiard (« La métamorphose des cloportes » samplé sur « Le coffre-fort ne suivra pas le corbillard ») et un français impeccable épaulé d’un vocabulaire riche et des tournures de phrases alambiquées plantent le décor. Hamé, Ekoué, Philippe et Mourad délivrent un disque d’une haute maturité aux relents d’un jazz classique « montants d’une cave, parmi la crasse et l'éther d'une trop vieille poudrière ». Kool M et Soul G se partagent les productions allant chercher des vieilles boucles poussiéreuses qui donnent une unité remarquable à l’album. On est un peu avec les quatre lascars de « Il était une fois en Amérique » de la prohibition mais dans un univers très français et parisien lorgnant vers « La traversée de Paris » sous occupation et du “Doulos » de Melville.

Le noir et blanc domine et ne s’atténue qu’en fin d’album ou sur ce «A 20 000 lieues de la mer », bijou d’amertume dépeignant une nostalgie tronquée d’un regard réaliste. Ekoué y est fabuleux, comme sur le reste de ses apparitions, avec cette voix caverneuse et traînante, comme une faucheuse, parfaitement aiguisée sur ce « Prédateur isolé » tirant à vue sur les parasites de son entourage. Hamé impressionne plus encore par sa maîtrise de la langue française sur « Moha », morceau descriptif terrible où il dépeint tel un écrivain de grand talent l’univers carcéral d’un prisonnier de longue date.

Mais finalement, après tant d’éloges sur les deux rappeurs « leaders » du groupe, c’est Le Bavar, alias Philippe, qui laisse les impacts les plus marquants. Plus frontal que ses trois collègues, il fait preuve d’un sang-froid, d'une prestance et d’une brutalité qui, jencore aujourd’hui, n’ont dû être que rarement égalé. Ses deux couplets sur « Le silence de ma rue » font partie, à coup sûr, des coups de poings les plus violents du rap français. Direct et technique, radical, il laisse sur ce morceau l’auditeur estomaqué, la chair de poule parcourant les avant-bras, aidé par une production survoltée et percutante samplant « L’expérience interdite » de Joel Schumacher. Un diamant pas poli, plein de rage, où l’injustice engendre une colère manifeste chez son interprète. « Le silence de ma rue » n’aura d’égal que son couplet sur « Je connais tes cauchemars », autre morceau parfait de l’album. Sur une production aux bruits de cloches funèbres et de cris horrifiés, on y voit premièrement Hamé s’en prendre à la magistrature. Puis c’est au tour du Bavar de clamer sa rancœur envers la police. Le verdict y est sans appel : Philippe découpe des assonances percutantes et impressionne d’une diction maîtrisée et d’un franc-parler redoutable. Le film se déroule clairement sous vos yeux, sans qu’une seconde vous ne puissiez-vous échapper de sa diction. Un « Suis ma plume » avant l’heure. « 365 cicatrices » est un autre morceau de bravoure. Toujours avec cet argot franc bien achalandé, le constat laissé par le rappeur parisien, paroles de descendants de coupeur de canne, y est cinglant. En 1 minute 50, c’est un exercice de synthèse incroyable que livre Philippe avec toujours ce même style concis et brutal, réduit au minimum nécessaire, une sentence qui tombe comme une évidence et laisse l’auditeur sur le cul. Le morceau assis après « Premier matin de Novembre » et « Ecoute le sang parler » est la version antillaise d’un triplé traitant de l’héritage des colonies françaises (Nord-africaines sur « Premier matin… » et africaines sur « Ecoute le sang…) placé judicieusement avant le magnifique « Le cuir usé d’une valise », superbe récit d’Histoire.

Du rap de fils d’immigrés revendicatif et justement revanchard venu accompagné d’un magazine promotionnel « La Rumeur Magazine ». L’article « Insécurité sous la plume d’un barbare » écrit par Hamé fit grand bruit puisque il fût attaqué ni plus ni moins par le ministère de l’Intérieur dont le plus haut responsable à l’époque était Nicolas Sarkozy. « Les rapports du Ministère de l’Intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu’aucun des assassins n’ait été inquiété ». Ces lignes vaudront au groupe un procès pour « diffamation publique envers la police nationale » duquel Hamé sera relaxé deux ans plus tard en 2004. Le parquet estimait que ces propos relevaient de la liberté d’expression, ajoutant « replacés dans leur contexte, ces propos ne constituent qu'une critique des comportements abusifs, susceptibles d'être reprochés sur les 50 dernières années aux forces de polices à l'occasion d'événements pris dans leur globalité ».

“La liberté d’expression, laissez-moi gol-ri.
Ils subissent tous des pressions c’est pas des conneries.
La grande bouffonnerie...”
Kool Shen - Album “Suprême NTM” - 1998

« L’ombre sur la mesure » faisait suite à la trilogie de maxis commencée en 97 par « Le poison d’avril », et entamait une nouvelle trilogie de trois albums. Allaient suivre « Regain de tension » en 2004 (encore plus revendicatif et musicalement plus électrique) et le bien nommé « Du cœur à l’outrage » (lui aussi plus électronique mais plus complet que son prédécesseur) en 2007 qui refermera avec brio la saga. Le Bavar et Ekoué sortiront des mixtapes communes en 2008 et 2009, le groupe lancera des « Inédits » en trois volumes et reviendra avec « Tout brûle déjà » en 2012.

En 2016, Hamé et Ekoué, après une série et un court-métrage, passeront à l’audiovisuel en écrivant et réalisant un premier film long-métrage intitulé « Les derniers parisiens ».


« L’ombre sur la mesure » restera comme leur album le plus marquant, immortalisé par un rap impeccable, une langue française maîtrisée sur le bout des doigts, et un habillage sonore parfaitement réussi par Kool M et Soul G. La Rumeur n’a plus de sorti de disque depuis « Les inédits, vol. 3 » en 2015. Gageons que les dernières actualités pourraient les faire sortir de l’ombre à tout moment.



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